Plainte contre l’INRA après le décès d’une chercheuse dû à la maladie de Creutzfeldt-Jakob

La famille d’une jeune chercheuse décédée lundi de la maladie de Creutzfeldt-Jakob a porté plainte pour "homicide involontaire" contre l’Institut national de recherche agronomique (Inra), où elle avait travaillé et où elle aurait été contaminée en 2010.

La plainte, transmise au parquet de Versailles et consultée vendredi par l’AFP, dénonce des "manquements à la sécurité" au sein de l’unité de recherche en virologie et immunologie moléculaire, à Jouy-en-Josas (Yvelines), où la chercheuse a travaillé sur les maladies dites à prions, dont fait partie Creutzfeldt-Jakob

La famille a porté plainte pour "homicide involontaire" et "mise en danger de la vie d’autrui", ont indiqué ses avocats Marc et Julien Bensimhon, confirmant une information de Mediapart. Le parquet a confirmé avoir reçu cette plainte et précisé examiner l’opportunité d’ouvrir une enquête.

L’Inra a fait part à l’AFP de sa "très grande tristesse" après l’annonce du décès de la chercheuse. L’institut a confirmé qu’elle avait "eu un accident de service en 2010 lors d’une expérimentation au sein du laboratoire" et estimé qu’il était dès lors "essentiel de comprendre les causes de la maladie".

La jeune femme, qui a travaillé à l’Inra de 2009 à 2012, est décédée lundi à 33 ans de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, une maladie incurable très rare qui touche le cerveau, forme humaine de la "maladie de la vache folle".

Le 31 mai 2010, elle s’était coupée le doigt en manipulant un échantillon infecté, un incident alors reconnu comme un "accident de service", selon la plainte.

"Il n’y a absolument aucun doute sur le lien direct entre la blessure qu’elle a subie en 2010 et son décès aujourd’hui", a affirmé à l’AFP Me Julien Bensimhon.

"La famille a souhaité porter plainte parce qu’il y a eu énormément de manquements en matière de sécurité", a-t-il dit, ajoutant qu’"elle n’aurait pas dû être piquée, contaminée, si les procédures de sécurité avaient été respectées".

"Pas aux normes"

Selon la plainte, le laboratoire "n’était pas aux normes", la jeune femme n’avait "pas été formée aux risques", ne portait pas "d’équipements de sécurité adéquats" et n’a pas eu de suivi médical.

Elle aurait notamment dû porter "des gants anti-coupures" et non "en latex", et elle n’a été décontaminée qu’"environ 20 minutes" après avoir été blessée, peut-on lire dans la plainte.

"Il s’agirait d’un cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob nouveau variant", a précisé l’institut de recherche dans sa brève déclaration écrite à l’AFP, en soulignant que les autorités sanitaires (Santé Publique France) poursuivent aussi des "investigations" sur ce cas.

L’institut a transmis à la famille et aux autorités sanitaires "les pièces qui lui étaient demandées" et s’est engagé à la "transparence": "tous les éléments relatifs à l’accident et aux mesures de sécurité seront communiqués aux autorités sanitaires et à la justice", a assuré l’Inra.

"Il est essentiel que toute la vérité soit faite, c’est essentiel pour sa famille, mais aussi pour l’ensemble de la communauté scientifique", a ajouté l’institut en précisant qu’il va aussi "contribuer" à une mission confiée par la ministre de la Recherche à l’Inspection générale de l’éducation nationale et à l’Inspection santé et sécurité au travail, afin d’évaluer "les mesures de sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions".

Contrairement à ses autres formes, la maladie "variante" de Creutzfeldt-Jakob serait transmissible par le sang: "il a été observé au Royaume-Uni entre 2003 et 2007 la survenue de quatre cas de transmission hautement probables de la maladie par transfusion de concentrés de globules rouges", selon un document de l’Etablissement français du sang.

Santé Publique France a confirmé vendredi avoir mené une enquête pour consolider le diagnostic. "Dans le cas présent, cette investigation était particulière en raison de la suspicion de variante de la MCJ, et de l’exposition professionnelle de la patiente à des protéines prions dans le contexte d’un laboratoire de recherche", a indiqué l’organisme, tout en précisant que toute confirmation ou infirmation ne pourra intervenir "qu’après une autopsie" de la patiente décédée.

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