Pédophilie dans l’Eglise: le mutisme de Barbarin examiné en appel

Il reconnaît des erreurs mais conteste sa culpabilité : le procès en appel du cardinal Philippe Barbarin, condamné en mars pour ne pas avoir dénoncé les abus d’un prêtre de son diocèse, s’ouvre jeudi à Lyon.

Le 7 mars, la décision du tribunal correctionnel est tombée comme un coup de tonnerre, le plus haut dignitaire de l’Eglise de France se voyant infliger six mois de prison avec sursis.

L’archevêque de Lyon, 69 ans, a été jugé coupable d’avoir gardé le silence sur les agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts, bien avant son arrivée à Lyon en 2002, par le père Bernard Preynat, défroqué en juillet et qui doit être jugé en janvier.

S’il avait fait acte de repentance devant la justice divine au cours d’une messe médiatisée en 2016 en s’attribuant surtout des "erreurs de gouvernance", Mgr Barbarin ne s’estime pas coupable devant celle des hommes et a fait appel.

"J’ai reconnu les erreurs que j’ai faites mais c’est pas celles que je (me) vois reprocher" par le tribunal, a justifié Philippe Barbarin le 19 mars sur la chaîne KTO, après que le pape – qui l’avait reçu la veille à Rome – ait refusé sa démission.

Depuis, le cardinal s’est mis en retrait de la gouvernance du diocèse, au profit d’un administrateur apostolique.

– Questions de droit –

Tandis que les audiences en première instance ont donné une large part aux témoignages des plaignants, tous victimes du père Preynat, ce nouveau procès devrait davantage tourner autour des points de droit soulevés par l’affaire.

Lors du premier procès en janvier, "il y a eu beaucoup de témoignages (de victimes) et en appel, ce sera plus un débat juridique mais il fallait les deux. En première instance, le procès a remis les choses à leur juste place: oui, on peut être une victime et avoir un travail, une femme, de l’humour", a estimé auprès de l’AFP, François Devaux, l’un des fondateurs de l’association de victimes La Parole libérée qui a porté la procédure.

Face à la cour d’appel, les parties civiles tenteront à nouveau de faire valoir que le délit reproché au cardinal doit être considéré comme "continu" dans le temps, l’obligation de dénoncer ce qu’il savait ayant perduré, à leurs yeux, jusqu’à ce que le procureur soit informé en 2015 par une victime, Alexandre Hezez, des abus de Preynat.

Ce qui aurait pour conséquence de faire courir le délai de prescription (trois ans) à partir de cette date.

La défense du cardinal, menée par Me Jean-Félix Luciani, demandera, elle, à la cour de "dire comment des faits, constitués en 2010 mais prescrits depuis, auraient pu revivre en 2014".

En première instance, le tribunal a considéré le délit de non-dénonciation comme "instantané" et que le cardinal s’en est rendu coupable par deux fois: en 2010 – ce qui tombe sous le coup de la prescription – puis en 2014, quand il reçoit M. Hezez.

Reste que la date à laquelle le Primat des Gaules a été informé du passé de Preynat, demeure une énigme.

Dans un entretien à La Croix le 10 février 2016, Philippe Barbarin dit avoir été mis au courant des "comportements" de ce prêtre "vers 2007-2008", via un tiers, qui évoque plutôt la date de 2004-2005.

Le cardinal a ensuite abordé les faits en 2010 avec le prêtre lui-même, qui a alors assuré ne pas avoir commis de nouvelles agressions depuis 1991. "On me reproche de l’avoir cru", avait lancé à la barre du tribunal Mgr Barbarin, qui justifie ses silences depuis le début de l’affaire par l’ancienneté des abus et le fait qu’ils ne se sont pas reproduits.

Mais des témoins affirment avoir parlé à l’archevêque bien avant : "dès 2002", soutient un ancien prêtre prénommé François, qui l’affirme dans une interview au quotidien Le Parisien de mercredi.

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