Parlement européen: Macron face aux limites du clivage progressistes-nationalistes

Après avoir martelé que les prochaines élections européennes se résumeraient à une lutte entre progressistes et nationalistes, le président français Emmanuel Macron va devoir nuancer cette lecture binaire pour pouvoir tendre la main à ceux qui ne s’y reconnaissent pas, écologistes en tête.

L’argumentaire est répété à l’envi par le chef de l’Etat, comme ce vendredi, en déplacement à Bratislava: "oui, il y a ce clivage et il faut le dénoncer. (Les nationalistes) sont déjà là, ils sont déjà grands et dans beaucoup de pays ils ont déjà gagné".

Passant de la critique mesurée à la colère contre les dirigeants de la Hongrie et de la Pologne, il a aussi dénoncé des "esprits fous" qui selon lui "mentent à leur peuple" par leurs positions anti-européennes.

Deux camps face à face donc, chacun incarné par une figure de proue: M. Macron d’un côté, le Hongrois Viktor Orban de l’autre. Mais ce clivage embrasse-t-il tout le champ politique français et européen?

"C’est une construction extrêmement habile car comme c’est une élection proportionnelle à un tour, l’idée est de faire jackpot et de récupérer tout le monde qui a peur de l’extrême droite", décrypte l’eurodéputée PS française Christine Revault d’Allonnes. "Tout notre challenge est donc de démontrer que l’on construit autre chose", ajoute-t-elle.

L’eurodéputé Emmanuel Maurel, ex-PS désormais proche de La France insoumise, décrit lui aussi "un piège puissant". Mais comme beaucoup de détracteurs, il en souligne aussi le caractère dangereux et contreproductif.

"C’est assez facile de lui répondre que les nationalistes et les libéraux sont les deux faces d’une même médaille puisque les uns se nourrissent des autres et vice-versa. Les nationalistes prospèrent sur les échecs de l’Europe libérale", avance M. Maurel.

Le patron de la puissante droite européenne (PPE), l’Allemand Manfred Weber, souligne également le paradoxe de cette opposition qu’il juge stérile. MM. Macron et Orban "se plaignent l’un de l’autre, s’attaquent publiquement, se définissent comme opposants politiques mais apparemment ils n’ont pas le temps de discuter du fond".

Ce clivage, "c’est faire fi du pluralisme démocratique", s’indigne de son côté le Belge Philippe Lamberts, patron du groupe des Verts. "On peut refuser la mondialisation néo-libérale sans pour autant tomber dans le populisme et ça, c’est nous, l’écologie politique", veut-il croire.

En réalité, l’entourage de M. Macron commence à admettre les limites de cette vision. D’abord parce que la notion de "progressisme" n’a pas la même connotation partout en Europe et est "assez marquée à gauche en Europe", comme le souligne le patron par intérim de La République en marche Philippe Grangeon. "Or, il faut rassembler plus largement", plaide ce proche du chef de l’Etat

"A mesure que la campagne va avancer, il faudra introduire quelques nuances", abonde un autre cadre du parti, soucieux de ne s’hypothéquer aucun électeur. "On ne peut pas renvoyer les socialistes et les écologistes comme ça", ajoute-t-il, quand un conseiller du président demande "une autre coloration" au clivage en estimant que "la transition écologique doit être un thème majeur".

"Quant aux sociaux-démocrates, l’objectif est de leur saisir la main puisqu’elle est déjà tendue de leur côté", appuie-t-il encore.

L’eurodéputé écologiste Pascal Durand, plutôt favorable à M. Macron, demande lui aussi de ne pas s’arrêter à "l’intérêt électoral du binaire" et met en avant trois familles, sans qu’aucune ne s’affiche véritablement europhobe.

D’un côté "ceux qui défendent l’Europe des nations", qui "ne reconnaissent en rien les valeurs et l’état de droit" et adoptent un "côté populiste, de défense du pauvre face aux élites mondialisées", comme en Hongrie. De l’autre "le bloc" très pro-européen incarné "très fortement par Emmanuel Macron".

Et au milieu, un "pan" également "pro-européen mais très critique du fonctionnement actuel de la Commission", mélangeant écologistes, sociaux-démocrates, une partie de la droite et à qui M. Macron doit envoyer des signaux encourageants dans son futur programme pour bâtir des coalitions avant ou après le scrutin.

Au-delà d’un duel, "le débat doit être celui-là: est-ce que je veux une Europe plus libérale, plus sociale, s’occupant plus de politique étrangère et de sécurité, plus de numérique, plus d’écologie, plus de valeurs fondamentales", exhorte l’eurodéputé (ex LR) Alain Lamassoure.

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