Ouverture du procès d’Abdelkader Merah, le « Ben Laden » de Toulouse

Dans un contexte de forte tension, au lendemain de l’assassinat de deux femmes à la gare Saint-Charles à Marseille, acte revendiqué par le groupe État islamique, le procès d’Abdelkader Merah, le frère de Mohammed Merah, s’ouvre ce lundi à Paris.

En mars 2012, Mohammed Merah avait semé la terreur en abattant au nom du djihad trois militaires, un enseignant et trois enfants d’une école juive avant d’être tué par la police. Les audiences, programmées sur un mois devant une cour d’assises composée de magistrats professionnels et en présence de 232 parties civiles, seront placées sous une surveillance aiguë dans un contexte de menace terroriste élevée. Les assassinats de Merah étaient les premiers attentats djihadistes commis en France depuis ceux du GIA algérien en 1995. Ils ont marqué l’avènement d’une nouvelle forme de terrorisme qui a depuis coûté la vie à 241 personnes dans le pays.

L’enjeu principal du procès sera de déterminer le rôle exact joué par Abdelkader Merah, 35 ans, dans les tueries exécutées en solo par son frère, 23 ans. L’homme est accusé d’avoir « sciemment » facilité « la préparation » des crimes de son frère en l’aidant notamment à dérober le scooter utilisé lors des faits. À ses côtés comparaîtra un délinquant toulousain, Fettah Malki, 34 ans, à qui il est reproché d’avoir fourni à Mohammed Merah un gilet pare-balles, un pistolet-mitrailleur et des munitions utilisés par le tueur. Les deux hommes sont également poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste. Ils ont reconnu la matérialité des faits, mais contestent avoir connu les intentions criminelles du djihadiste. Abdelkader Merah risque la réclusion criminelle à perpétuité, Malki, vingt ans de prison.

"Abdelkader Merah a du sang sur l’esprit"

Entre le 11 et le 19 mars 2012, Mohammed Merah assassinait trois militaires, trois enfants et un enseignant juifs à Toulouse et Montauban, avant d’être abattu le 22 mars dans son appartement par le Raid, une unité d’élite de la police, à l’issue de 32 heures de siège suivi par les médias du monde entier. Lors de la perquisition, étaient saisies une caméra GoPro et des cartes SD avec lesquelles le djihadiste a filmé ses assassinats. Des avocats de la partie civile ont demandé la diffusion des films à l’audience « pour une meilleure manifestation de la vérité », mais la décision relève du président de la cour d’assises. « Ce procès sera aussi l’occasion d’aborder les dysfonctionnements des services de l’État, notamment sur la surveillance de Merah alors qu’il était fiché », espère Olivier Morice, avocat de la famille d’un des militaires tués.

Interrogé par les services de renseignements, Merah n’avait pas caché ses voyages en Syrie, Égypte ou au Pakistan, mais parlait de tourisme. En réalité, il avait réussi à entrer en contact, dans les zones tribales pakistanaises, avec un groupe affilié à Al-Qaïda qui revendiquera ses crimes. Pour ces raisons, l’avocat d’Abdelkader Merah, Me Éric Dupond-Moretti, a réclamé l’audition comme témoin de l’ancien chef du renseignement intérieur, Bernard Squarcini. Sollicité sur la défense de son client, l’avocat n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience. Il avait dénoncé en 2016 un dossier vide. « Abdelkader Merah a dit toute la sympathie qu’il éprouvait pour les actes de son frère. Ce n’est pas un bouc émissaire. Si Mohammed Merah a du sang sur les mains, Abdelkader a du sang sur l’esprit », estime Me Simon Cohen, représentant des familles de l’école juive.

Surnommé « Ben Laden » dans son quartier, Abdelkader Merah, était fiché pour sa proximité avec d’autres membres de la mouvance islamiste radicale toulousaine dont les frères Fabien et Jean-Michel Clain, les voix des revendications des attentats du 13 novembre à Paris. Abdelkader Merah ne pouvait « ignorer l’orientation djihadiste de son frère qu’il avait contribué à forger », ont estimé les juges d’instruction. Ils ont notamment pointé les contacts répétés des deux hommes les jours précédents les tueries, les séjours au Caire d’Abdelkader Merah ou la découverte à son domicile d’un guide du moudjahid (combattant de la foi) donnant des conseils pour échapper à la surveillance des services de renseignements. Après les meurtres, l’accusé s’était dit « fier » de son frère, ajoutant que « tout musulman aimerait se faire tuer pour son ennemi ».

AFP

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite