Municipales : Edouard Philippe, entre esquive et implication directe

Résolu à jouer les stratèges de l’ombre en vue des élections municipales, Edouard Philippe doit composer pour démentir les ambitions parisiennes qui lui sont parfois prêtées, tout en affirmant discrètement des divergences de vue avec La République en marche.

"Larvatus prodeo" – j’avance masqué – pourrait être sa devise. Jusque-là, et à neuf mois du scrutin municipal, le Premier ministre fait mystère de beaucoup de ses intentions.

Il laisse en jachère une batterie de questions: figurera-t-il sur une liste ? Quelle influence aura-t-il sur les investitures du parti présidentiel ? Comment fera-t-il campagne ? Que feront ses ministres ?

Interrogé sur son rôle dans les mois à venir, l’ancien maire du Havre s’en sort par une pirouette laconique: "j’envisage d’être Premier ministre". Son entourage insiste: "il répond toujours la même chose, c’est qu’il est Premier ministre et son souhait c’est de réussir l’acte II du quinquennat. Il n’est pas engagé dans la préparation des municipales".

La réalité est plus complexe. Chef de la majorité, il ne peut se désintéresser d’un scrutin qui permettra à celle-ci de mailler le territoire, et influera aussi sur la composition sénatoriale après les élections à la Chambre haute en septembre 2020.

En privé, il confie aussi que cette élection le passionne: "C’est l’échelon de l’action publique qu’il préfère", dit un de ses proches.

Depuis 18 mois, le Premier ministre s’évertue donc à faire "travailler la poutre" vers la droite et élargir à son ancienne famille politique le socle de la majorité. Il a ainsi régulièrement reçu à déjeuner à Matignon des élus de droite modérée, comme Christophe Béchu (Angers), Alain Chrétien (Vesoul) ou Olivier Carré (Orléans), suscitant parfois l’agacement des "marcheurs" pur sucre.

Une démarche qu’il répètera en juillet. Et qu’il appliquera aussi à des maires de gauche vendredi prochain, sous la houlette de deux rabatteurs ex-PS: le député Stéphane Travert et le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt.

Ce travail est doublé d’une activité de terrain. Ses déplacements sont aussi l’occasion de séduire les élus locaux, entre déjeuners républicains et signatures d’accords pour revitaliser les centres-villes.

"Casse-cou"

Cet activisme à bas bruit se heurte cependant au calendrier des investitures. A Paris, où la guerre fait rage entre Benjamin Griveaux et Cédric Villani qui seront entendus mardi par la Commission de LREM, le spectre d’une candidature d’Edouard Philippe est décidément tenace.

L’ancien maire (LR) du Havre Antoine Rufenacht a remis jeudi une pièce dans la machine en assurant dans une tribune au Figaro que son ex-protégé, avec qui les relations sont distendues, ferait un excellent maire de la capitale. Une sortie qui intervient alors qu’Emmanuel Macron a reçu le chef du parti Stanislas Guérini et les coprésidents de la commission d’investiture vendredi, et qui suscite la perplexité à Matignon.

M. Philippe n’a jamais clairement démenti cette rumeur. "Il n’a pas envie de rentrer dans un tunnel de questions sur un sujet qui pour l’instant n’est pas son sujet", évacue son entourage.

Si le Premier ministre, amateur de boxe, compte pratiquer encore l’art de l’esquive sur la question, il a cependant été plus direct cette semaine en déplorant en petit comité certaines investitures de LREM, qui contrecarrent sa stratégie d’ouverture envers les maires de droite modérée. Des choix "casse-cou", certes signes d’indépendance pour LREM, mais qui pourraient obérer la réussite du parti, dixit un ministre.

Ainsi, LREM a endossé un marcheur face à David Robo (ex-LR) en dépit du soutien récemment affiché par le maire sortant à la politique d’Emmanuel Macron. Cas de figure similaire à Bordeaux où le LR Nicolas Florian, successeur d’Alain Juppé, devra affronter le candidat LREM Thomas Cazenave.

"Edouard Philippe pense qu’il faut continuer à faire vivre la recomposition initiée par le Président en 2017", explique le député LREM Thierry Solère. Ce proche du Premier ministre assure l’interface entre Matignon et la Commission d’investiture du parti, par ailleurs coprésidée par la députée Marie Guévenoux, elle aussi ex-juppéiste.

Dans l’immédiat, la première décision publique du chef du gouvernement liée aux municipales devrait être la question de l’investissement de ses ministres. La direction du parti souhaiterait que chacun figure sur une liste, règle qui doit être tranchée "en juillet", dit un proche de M. Philippe.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite