Mosquée contestée à Mantes-la-Ville: bataille judiciaire entre le préfet et le maire FN

Vrai projet ou prétexte pour empêcher une mosquée? Le préfet des Yvelines a contesté jeudi devant le tribunal administratif de Versailles la décision du maire FN de Mantes-la-Ville, seule municipalité FN d’Ile-de-France, d’installer un commissariat à la place d’une future mosquée.

Le préfet Erard Corbin de Mangoux a demandé en référé (procédure d’urgence) la suspension de la décision de la mairie FN de préempter l’ancienne trésorerie municipale, un local de 500 m2 au coeur d’un bras de fer.

Le juge des référés rendra son ordonnance vendredi après-midi, dans l’attente d’une audience sur le fond.

D’un côté, l’association des musulmans de Mantes-Sud (AMMS) a réuni 600.000 euros pour racheter les locaux et y aménager une salle de prière, un projet dans les cartons depuis trois ans. De l’autre, le maire élu en 2014, Cyril Nauth, dit vouloir renforcer la police municipale – une de ses promesses de campagne – et lui accorder en conséquence des locaux plus adaptés, pour un coût de 760.000 euros.

Dans la justice administrative, le droit de préemption du maire doit s’exercer dans un but d’intérêt général. Mais le préfet soupçonne la décision de l’édile frontiste de préempter le local d’être illégale car, selon l’homme d’État, entachée d’un détournement de pouvoir.

Derrière la préemption, "il y a une sorte d’obsession de la majorité municipale de vouloir s’opposer à tout prix et par tous les moyens juridiques" au projet de lieu de culte, a résumé l’avocat de la préfecture, Me François Benech, après l’audience. Au projet de salle de prière, "dont l’intérêt public est reconnu" et "qui garantit le libre exercice du culte", il oppose un projet concurrent de commissariat "incohérent" et "sorti du chapeau". "Un habillage", a-t-il dit à l’audience.

Des accusations de "montage" balayées par l’avocat du maire, Me Olivier Mathieu: le poste de police "présente un caractère d’intérêt général indiscutable", a-t-il assuré, faisant remarquer qu’il s’inscrit dans le quartier sensible des Merisiers, "à forte densification de population". En outre, le poste de police actuel "n’est pas conforme au code du travail", a-t-il encore plaidé. En cause notamment: l’exigüité des locaux.

Pour le président de l’AMMS, Abdelaziz El Jaouhari, c’est l’argument de trop: "9 fonctionnaires dans un pavillon de 90m2… C’est la taille de notre salle de prière actuelle qui accueille plusieurs centaines de personnes (…) 1.200 à la fin du ramadan", a-t-il expliqué au juge, mettant en garde contre "une situation explosive".

– ‘Positionnement idéologique’ –

Le référé du préfet s’inscrit dans le cadre du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, en l’occurrence une délibération municipale du 29 juin instaurant une étude de travaux pour le commissariat et la décision de préemption du maire du 22 juillet.

Depuis la campagne des municipales de 2014, le projet de salle de prière agite cette banlieue populaire de Paris qui accueille une importante communauté musulmane. Soutenu par l’ex-maire socialiste, il est vigoureusement combattu par son successeur frontiste.

"Il est dans un positionnement idéologique", soupire le président de l’AMMS, qui redoute l’absence de lieu de culte sur la commune alors que le maire a saisi la justice pour expulser l’association de son lieu de prière actuel, un pavillon vétuste de 90 m2 voué à la destruction.

Le dossier de la mosquée connaît de multiples rebondissements depuis fin 2013. A cette époque, la municipalité PS décide de racheter les lieux à la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines (Camy) pour les revendre à l’AMMS. Mais le projet s’effrite avec l’arrivée en mars 2014 du maire FN qui bloque la vente, fustigeant notamment "une opération électoraliste". Devant l’impasse, le préfet suggère à la Camy de vendre directement le local à l’association, ce que l’agglomération autorise en mai 2015.

Pour l’avocat du maire, la mairie FN est "libre de choisir quel projet d’intérêt général elle souhaite sur sa commune". Réponse vendredi.

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