Montez à bord du nouvel avion présidentiel français (Le Point)

Montez à bord du nouvel avion présidentiel français (Le Point)
L’Airbus A330 présidentiel devrait effectuer mercredi son premier vol de réception après travaux. L’avion, en chantier depuis mai 2009 chez Sabena Technics (ex-Sogerma) à Bordeaux, doit, en principe, être livré à l’Élysée en octobre prochain. Rarement un avion a fait autant fantasmer, voire délirer, sur ses emménagements. C’est en fait un avion de ligne de série qui est transformé en avion présidentiel réservé au chef d’État et à sa suite. Le Point.fr vous en détaille les coins et recoins.

LE PROFIL DU PASSAGER SARKOZY PASSÉ AU CRIBLE

Un minimum d’étude marketing à partir du profil et des demandes de son client s’est imposé au maître d’oeuvre, la Direction générale pour l’armement (DGA), qui relève du ministère de la Défense. Nicolas Sarkozy voyage beaucoup, ce qui n’était pas le cas de ses prédécesseurs dont il a hérité de la flotte d’avions. Il se déplace en métropole au moins une fois par semaine, mais aussi à l’étranger. Il est souvent accompagné de personnalités et de chefs d’entreprises chargés du développement culturel ou économique du pays. Ses séjours sont courts et il remonte souvent dans l’avion à peine le dîner officiel terminé pour y passer la nuit pendant le vol retour. Pendant le trajet aller, il n’a pas manqué de se tenir au courant des dossiers. À noter, l’avion peut aussi être utilisé pour des rapatriements humanitaires.

À partir de ce cahier des charges, la DGA s’est mise à la recherche d’un long-courrier de moyenne capacité. Comme il ne serait pas politiquement correct de voler à bord d’un Boeing, un Airbus a été choisi. Dans la gamme, c’est le biréacteur A330-200 qui est le mieux adapté au profil présidentiel. Neuf ou d’occasion ? Compte tenu du nombre d’heures de vol annuelles relativement faibles par rapport à une compagnie aérienne classique, un avion de seconde main peut assurer le service présidentiel pendant près de vingt ans. De plus, au moment de la prospection, en pleine crise économique, les avions d’occasion sont légion. Il se trouve que ILFC, le plus gros loueur mondial, recherche des liquidités. Sa situation de filiale de l’assureur américain AIG le met au coeur de la crise financière de 2008. La DGA lui achète pour 60 millions d’euros l’A330-200 portant le numéro de série Airbus 240. Âgé de dix ans, cet avion ne totalise que 45.000 heures de vol et 7.500 cycles (séquence décollage-atterrissage avec pressurisation). Le même appareil sorti neuf des usines de Toulouse serait revenu à près de 180 millions d’euros. Dans tous les cas s’ajoute l’aménagement de la cabine et des équipements spéciaux qui sont l’objet du chantier actuel à Mérignac.

L’ANCIEN AVION DE VOS VACANCES AUX ANTILLES

Peut-être, comme des centaines de milliers de Français, avez-vous déjà voyagé à bord du futur avion présidentiel, alors immatriculé F-OPTP quand il reliait Orly à Pointe-à-Pitre et à Fort-de-France aux couleurs d’Air Caraïbes ? La compagnie long-courrier louait cet avion à ILFC, mais l’a rendu pour acquérir un A330-300 mieux adapté au trafic antillais.

Cet A330-200 immatriculé F-OPTP a été victime d’une panne d’informations de vitesse début septembre 2008, assez proche de celle qui aurait causé le crash de l’Air France 447 Rio-Paris en juin 2009. Grâce essentiellement à la maîtrise de l’équipage, la perte de contrôle a été évitée. Un rapport des pilotes a été transmis aux autorités de tutelle et à Airbus. Mais, à Air France, les retours d’expériences des petites compagnies sont rarement pris en compte. Les sondes Pitot ont, bien sûr, été immédiatement changées par Air Caraïbes.

En version élyséenne, les 324 sièges de l’avion de ligne transatlantique ont disparu. Seule reste la "carrosserie" avec le fuselage, les ailes et les moteurs ; l’intérieur a été complètement vidé puis refait. Même le cockpit a subi quelques retouches.

À L’HORIZON, L’OCÉANIE

Par rapport aux deux Airbus A319 CJ actuels, l’A330, plus volumineux, offre une autonomie importante de près de 22.000 km (contre 12.000). À condition de limiter le nombre de passagers, même l’Océanie sera accessible sans escale de Paris.

Schématiquement, on peut diviser l’A330 présidentiel en neuf volumes. Embarquons par une des portes avant sur le côté gauche de l’appareil. On se trouve face à une suite de cabines bordées par une coursive.

– Juste derrière le cockpit, la chambre présidentielle est aménagée avec un lit double, un dressing. Dans la salle d’eau, on trouve une douche.

– Le salon présidentiel comporte un bureau et des fauteuils autour d’une table basse.

– Un espace secrétariat.

– Une cuisine où, comme sur tous les avions, on ne prépare pas des plats, mais on les réchauffe.

– Une salle de télécommunications (VHF, HF, satellite) où sont notamment disposés les équipements de cryptage qui permettent de maintenir des liaisons confidentielles avec le sol. Les ordres liés à la dissuasion nucléaire peuvent également être transmis.

– Une salle de réunion insonorisée avec une table ovale et onze sièges.

– Ce qui a parfois été baptisé "hôpital" est un espace infirmerie permettant notamment d’apporter des soins en cas de rapatriement sanitaire.

– Une cabine de 60 places pour les accompagnateurs qui disposent d’équipements de travail pour communiquer avec le sol, dont Internet à haut débit. Ces dix rangées de fauteuils-lits, semblables à ceux des classes affaires, sont disposées 2 x 2 x 2.

– Tout à l’arrière, une cabine économique est réservée aux membres d’équipages et aux gardes du corps.

Tous ces espaces sont non-fumeurs, protégés par des alarmes de sécurité, comme c’est la norme en aéronautique.

Achat compris, le budget annoncé de l’A330 présidentiel est de 176 millions d’euros. En sera défalqué le prix de la vente des deux Airbus A319CJ actuellement utilisés par le gouvernement.

ET LE PILOTE SERA…

Comme tous les autres avions gouvernementaux français, l’A330 sera rattaché à l’Etec, l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration, ex-Glam. Les autres avions (Falcon 50, Falcon X, A319CJ) sont basés à Villacoublay, mais la piste est trop courte pour permettre à l’A330 de décoller en charge. Le président Sarkozy embarquera donc à Orly pour ses voyages, mais l’avion n’y stationnera pas plus que quelques heures. Il y a quelques années, l’avion présidentiel y avait été tagué… C’est donc sur la base aérienne d’Évreux que l’A330 sera basé à l’abri du vandalisme.

Les équipages militaires seront communs aux deux A340 exploités par l’armée de l’air. Les deux types d’avions sont suffisamment semblables pour correspondre à une même qualification. Deux pilotes prennent place dans le cockpit, renforcés par un troisième dès que le vol dépasse neuf heures. Le ratio est de deux équipages par avion, contre six à sept pour un avion civil qui vole 18 heures sur 24. Les méthodes de pilotage sont exactement les mêmes que celles pratiquées dans le civil à Air France, CorsairFly, Air Caraïbes ou XL. Les entraînements ont lieu sur les simulateurs d’Air France installés à Roissy-CDG à raison de trois séances par an. Ces navigants sont formés aux particularités d’exploitation des opérations militaires quand, par exemple, il faut atterrir en zone de combat comme Kaboul.

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