Mohammed VI, porteur d’un appel à l’équité pour l’Afrique

Depuis son accession au trône il y a quinze ans, Mohammed VI avait balisé son règne de grands discours qui ont fortement marqué la trajectoire politique du royaume. Qu’il s’agisse de la construction de l’édifice démocratique marocain et sa structure constitutionnelle, ou des grands chantiers économiques et sociaux du nouveau Maroc, réconciliation politique et développement humain ou de grandes orientations diplomatiques sur la scène arabe et africaine…Autant de grands rendez vous qui ont façonné au fil des années le projet politique de Mohammed VI et éclairé sa dynamique.

Par Mustapha Tossa

C’est ainsi que le discours du souverain lors de la 69ème Assemblée générale des Nations Unies entre incontestablement dans la lignée de ces grands moments graves de prise de parole où le politique appuie sur l’accélérateur des idées, met fortement en valeurs des convictions et sculptent de nouvelles postures. La majorité des observateurs ont été surpris par la nouvelle tonalité de l’approche royale qui range la langue de bois diplomatique dans les tiroirs des chancelleries pour utiliser un langage de vérité totalement à contre-courant du « mood » international ambiant.

Alors que l’ambiance générale internationale est à la mobilisation militaire et guerrière contre les grandes menaces terroristes, le Roi Mohammed VI a fait le choix stratégique d’approcher cette problématique vitale par l’angle du développement économique équitable et durable. Et de détailler dans une démarche inédite les vraies raisons qui empêchent la réalisation d’un tel objectif. Mais avant cela il commence par lancer un appel au respect des spécificités nationales comme autant de marqueurs qui aident à l’épanouissement des peuples. Cet appel, dit-il avec la grande solennité du moment, "vaut surtout pour les pays en voie de développement qui pâtissent encore des effets de la colonisation".

C’est sans aucun doute la première fois que le Roi Mohammed VI s’attarde avec un langage de vérité aussi direct et une approche aussi transparente sur les méfaits de la colonisation. Le colonisateur y décrit comme quelqu’un qui " a exploité leurs richesses et les potentialités de leurs enfants, tout en altérant en profondeur les coutumes et les cultures respectives de leurs peuples. Il a instillé les ferments de la division entre les composantes d’un même peuple, et planté les germes du conflit et de la discorde entre les Etats du voisinage » . Une si lourde responsabilité dont il faut absolument prendre conscience pour pouvoir envisager des relations de coopération, d’aides ou simplement de commerce.

D’ailleurs à ce sujet, Le Roi du Maroc profite de la tribune des Nations unies, considérée par beaucoup comme un parlement mondial aux échos puissants et amplifiés, pour s’insurger littéralement contre les mécanismes internationaux en vigueur qui aboutissent au classement des Etats et leur notation. "Ces critères ont montré leurs limites et, souvent, leur décalage par rapport à la réalité des Etats du Sud, ainsi que leur incapacité à présenter une image objective sur le niveau de développement humain dans ces pays." Et Le Roi Mohammed VI de proposer une idée assez révolutionnaire par rapport à la logique des statistiques froides et souvent sans âme pour évaluer les expériences et tracer les contours d’un projet de développement : " Nous préconisons donc que le capital immatériel figure désormais parmi les principaux critères de mesure et de classement de la richesse des Etats."

En parlant développement humain et rapports Nord-Sud, en pointant les dysfonctionnements internationaux dans ses relations, en remettant dans le cadre actuel la relation inachevée entre pays colonisateurs et pays colonisés, Mohammed VI ne s’était pas éloigné un instant de la thématique sécuritaire qui obsède le monde aujourd’hui. Son argumentaire politique est au cœur de cette problématique. Mohammed VI, transformé pour l’occasion en lanceur d’alerte mondial, termine son discours par cet avertissement aux grandes consciences qui dirigent le monde :" Soit la communauté internationale apporte son appui aux pays en développement, pour qu’ils puissent avancer et assurer la sécurité et la stabilité dans leurs régions respectives, soit nous aurons tous à supporter les conséquences de la montée des démons de l’extrémisme, de la violence et du terrorisme, qu’alimente le sentiment d’injustice et d’exclusion, et auxquels aucun endroit au monde ne pourra échapper."

En s’adressant de cette manière à l’Assemblée générale des Nations Unies, Mohammed VI n’a pas parlé comme un chef national qui défend les intérêts forcément limité de son pays. Il a parlé comme un leader africain qui porte en lui la préoccupation d’un développement et d’un devenir continental. Son diagnostic de cette forme d’injustice internationale qui continue d’ériger les relations entre les pays développés et ceux qui aspirent à l’être, son regard aiguisé sur la réalité de la colonisation et de ses conséquences sur les peuples et les structures nationales sont de nature à lui garantir l’aura et la crédibilité des grands chefs de ce monde nouveau qui peine à éclore. Dans son discours devant la 69ème, Mohammed VI a porté leur désir d’équité à un niveau d’exigence rarement atteint.

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