Mohammed VI: « C’est à l’Afrique que le Royaume cherche à donner le leadership »

Evènement historique ce mardi au sein de l’Union africaine à Addis Abeba. Après 33 ans d’absence, le roi Mohammed VI a marqué son retour par un discours qui restera dans les annales de l’organisation panafricaine, au lendemain de la réintégration du royaume au sein de sa famille institutionnelle.

"Il est beau le jour où l’on rentre chez soi", a lancé Mohammed VI dont le grand-père, feu Mohammed V a été l’un des pères fondateurs de l’OUA, l’ancêtre de l’UA.

"L’Afrique est mon continent, et ma maison. Je rentre enfin chez moi, et vous retrouve avec bonheur. Vous m’avez tous manqué", a déclaré le roi sous les applaudissements de ses pairs africains, lors de la cérémonie de clôture du 28e sommet de l’UA.

"Au moment où le Royaume compte parmi les nations africaines les plus développées, et où une majorité de pays-membres aspirent à notre retour, nous avons choisi de retrouver la famille", a-t-il poursuivi, soulignant que l’UA est "une famille que nous n’avions pas véritablement quittée !".

Le souverain a rappelé que "le retrait de l’OUA était nécessaire: il a permis de recentrer l’action du Maroc dans le continent, de mettre aussi en évidence combien l’Afrique est indispensable au Maroc, combien le Maroc est indispensable à l’Afrique", indiquant que "malgré les années où nous étions absents des instances de l’UA, nos liens, jamais rompus, sont restés puissants, et les pays africains frères ont toujours pu compter sur nous".

Leadership à l’Afrique

Le Maroc a pour ambition d’apporter sa contribution à l’agenda des activités de l’Union Africaine (UA), d’agir pour fédérer et à aller de l’avant et "C’est à l’Afrique que le Royaume cherche à donner le leadership".

"Certains avancent que, par cet engagement, le Maroc viserait à acquérir le leadership en Afrique. Je leur réponds que c’est à l’Afrique que le Royaume cherche à donner le leadership", a dit roi.

"Nous n’ignorons pas que nous ne faisons pas l’unanimité au sein de cette noble assemblée. Loin de nous, l’idée de susciter un débat stérile ! Nous ne voulons nullement diviser, comme certains voudraient l’insinuer !", a dit le Souverain.

"Vous le constaterez : dès que le Royaume siègera de manière effective, et qu’il pourra apporter sa contribution à l’agenda des activités, son action concourra, au contraire, à fédérer et à aller de l’avant", a promis le souverain.

"Nous avons participé à l’avènement de cette belle construction panafricaine, et nous souhaitons tout naturellement y retrouver la place qui est la nôtre", a-t-il affirmé, ajoutant que "pendant toutes ces années, et sans ressources naturelles, le Maroc est devenu un pays émergent, à l’expertise reconnue ; il est aujourd’hui l’une des nations les plus prospères d’Afrique".

Un millier d’accords avec les pays africains

"Depuis l’an 2000, le Maroc a conclu, dans différents domaines de coopération, près d’un millier d’accords avec les pays africains", a chiffré le souverain.

"A titre de comparaison, savez-vous qu’entre 1956 et 1999, 515 accords avaient été signés, alors que depuis 2000, il y en a eu 949, c’est-à-dire près du double!", a argumenté le roi, qu a veillé personnellement sur la concrétisation de ces accords .

"Pendant ces années, J’ai moi-même souhaité donner une impulsion concrète à ces actions, en multipliant les visites dans les différentes sous-régions du Continent. Au cours de chacune des 46 Visites, que J’ai effectuées dans 25 pays africains, de nombreux accords dans les secteurs public et privé ont été signés".

Projets d’envergue en l’Afrique

A ce propos, Mohammed VI a mis en exergue les projets stratégiques d’envergure qui ont été mis en place lors des ses visites dans plusieurs pays africains, notamment dans les domaines de l’énergie et de la sécurité alimentaire.

"Des projets stratégiques d’envergure ont été mis en place lors de Mes visites dans ces pays: En premier lieu, J’ai eu le plaisir d’initier le projet de Gazoduc Africain Atlantique, avec Mon frère Son Excellence Monsieur Muhammadu Buhari, Président de la République Fédérale du Nigéria", a-t-il rappelé.

"Ce projet permettra naturellement l’acheminement du gaz des pays producteurs vers l’Europe. Mais, au-delà, il bénéficiera à toute l’Afrique de l’Ouest", a poursuivi le roi, ajoutant que ce projet contribuera à "structurer un marché régional de l’électricité, et constituera une source substantielle d’énergie au service du développement industriel, de l’amélioration de la compétitivité économique et de l’accélération du développement social".

"En second lieu, dans le cadre de projets visant à améliorer la productivité agricole et à favoriser la sécurité alimentaire et le développement rural, des unités de production de fertilisants ont été mises en place avec l’Ethiopie et le Nigeria", a souligné le roi, faisant valoir que "les bénéfices de ce projet s’étendront à l’ensemble du continent".

"Nous le savons : ce ne sont ni le gaz, ni le pétrole qui satisferont les besoins alimentaires de base ! Or, le grand défi de l’Afrique n’est-il pas sa sécurité alimentaire ?", s’est-il interrogé, expliquant que "c’est le sens de l’Initiative pour l’Adaptation de l’Agriculture Africaine au changement climatique, dite +Initiative Triple A+, que nous avons promue lors de la COP 22".

Selon le roi, cette initiative "constitue une réponse innovante et extrêmement concrète aux défis communs posés par les changements climatiques. "Dès son lancement, a d’ailleurs aussitôt été adoubée par une trentaine de pays africains".

Contribution à la paix

Mohammed VI a en outre mis en avant la contribution du Maroc aux efforts de maintien de la sécurité et de la paix en Afrique, ainsi que la portée de la politique migratoire adoptée par le Royaume, qui s’inscrit dans un esprit de solidarité et d’humanisme.

Les liens du Maroc avec l’Afrique "sont restés puissants en termes de sécurité et de paix. Faut-il rappeler que nous avons toujours été présents, lorsqu’il s’est agi de défendre la stabilité du Continent ?", a-t-il dit.

"Ainsi, depuis son indépendance, le Maroc a participé à six opérations de maintien de la paix des Nations-Unies en Afrique, déployant des milliers d’hommes dans les différents théâtres d’opération. Les troupes marocaines sont, aujourd’hui encore, déployées en RCA et RDC", a-t-il rappelé.

"De même, le Maroc a mené des médiations qui ont permis de faire avancer substantiellement la cause de la paix, notamment en Libye et dans la région du Fleuve Mano", a ajouté le souverain.

Le roi a également mis en avant la politique migratoire adoptée par le Royaume, qui s’inscrit dans un esprit de solidarité et d’humanisme.

"Ma vision de la coopération Sud-Sud est claire et constante : mon pays partage ce qu’il a, sans ostentation", a affirmé le souverain, ajoutant qu’à "l’intérieur de mon pays, les Subsahariens sont accueillis dans les termes que nous avions annoncés : plusieurs opérations de régularisation ont été lancées ; la première phase avait déjà bénéficié à plus de vingt-cinq mille personnes. (…) la deuxième vient d’être lancée avec succès, il y a quelques semaines, selon le même esprit de solidarité et d’humanisme".

"Nous sommes fiers de ces actions. Elles étaient nécessaires, vitales pour ces hommes et ces femmes qui ont trop longtemps souffert de la clandestinité. Et nous agissons pour que ces personnes ne vivent plus en marge, sans emploi, sans soin, sans logement, sans accès à l’éducation", a-t-il fait valoir.

UMA enterrée

Mohammed VI a par ailleurs regretté que la flamme de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) se soit éteinte, parce que la foi dans un intérêt commun a disparu.

L’élan mobilisateur de l’idéal maghrébin, promu par les générations pionnières des années 50 se trouve "trahi", a ajouté le roi, déplorant de voir l’UMA comme "la région la moins intégrée du continent africain, sinon de toute la planète".

Alors que le commerce intra-régional s’élève à 10% entre les pays de la CEDEAO, et à 19% entre les pays de la SADEC, il stagne à moins de 3% entre les pays du Maghreb, a-t-il constaté.

Il a ainsi averti que si les membres de l’UMA n’agissent pas, elle se dissoudra dans son incapacité chronique, à rencontrer les ambitions du Traité de Marrakech, qui lui a donné naissance il y a 28 ans". Ce constat, a-t-il assuré, conforte le Maroc dans son choix de l’Afrique. "

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