Migrants – Maroc : l’autre pays en première ligne

Le volontarisme du Maroc vers l’Afrique n’est pas qu’économique et politique. Il est aussi social comme l’atteste sa politique vers les migrants.

Par Malick Diawara

Le 20 juillet dernier, sept ressortissants de pays subsahariens, dont deux femmes, forcent l’entrée de l’ambassade du Maroc à Paris. Munis d’une caméra, ils scandent devant un personnel diplomatique médusé des slogans hostiles au Maroc et notamment à sa politique migratoire. Après de vives altercations avec les agents de sécurité de l’ambassade, ils s’en sont allés. Le Maroc a naturellement aussitôt déposé une plainte auprès des autorités françaises compétentes, joignant les enregistrements vidéo de cet événement peu ordinaire. Bien des questions viennent à l’esprit : qui sont ces individus ? Pourquoi le Maroc ? Pourquoi de toutes les politiques, c’est celle concernant les migrants qui a été attaquée ? Autant de questions que les enquêtes en cours devront déterminer. En tout cas, une chose est sûre : confirmation est faite que le Maroc n’est plus un pays comme les autres dans la sphère Sud. Il faut dire que sur de nombreux dossiers, le royaume est en pointe, soit en partenariat avec des pays du Sud, soit avec des pays du Nord : lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue avec le renforcement de la coopération sécuritaire avec la France (le dernier épisode de la saisie en début de semaine de près de 5,79 t de haschich en est une illustration), lutte contre l’islamisme radical avec la formation des imams et la création le 13 juillet dernier de la Fondation Mohamed-VI des oulémas africains, volontarisme économique affiché qui vaut à son patronat, la CGEM, d’être courtisé par son homologue français, le Medef, last but not least, lutte contre les migrations clandestines. En l’occurrence, c’est sur ce dernier point que le Maroc a été verbalement attaqué la semaine dernière en son ambassade. Étonnant, car la question des migrants est justement l’une de celles où le royaume fait montre d’une originalité exemplaire sur un continent où, on ne le dit que rarement, les migrations interafricaines sont plus importantes que celles vers l’extérieur du continent.

Organiser dans un cadre réfléchi la situation des migrants

En effet, alors que les expulsions systématiques de migrants tiennent lieu de politique dans un certain nombre de pays, le Maroc a décidé de prendre le taureau par les cornes et d’organiser au mieux sur son territoire leur situation. Cela ne signifie pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. De pays d’émigration à pays réceptif en passant par le stade de pays de transit, le royaume chérifien a eu peu de temps pour se rôder aux meilleures pratiques en la matière. Mais il compense par une volonté politique forte, teintée d’un réalisme de bon aloi. Procéder à des expulsions en dehors de tout cadre légal et organisé ferait véritablement désordre alors que le Maroc a fait de la coopération avec l’Afrique subsaharienne la colonne vertébrale de l’axe Sud-Sud qu’il s’évertue à construire. La décision prise en septembre 2013 de mettre en place une politique de régularisation des migrants est donc bien teintée de bon sens.

Mise en place d’une politique de régularisations

Et c’est du jamais-vu ou presque sur le continent. Sans naïveté aucune, mais avec réalisme, le Maroc s’est fixé des objectifs précis dans la gestion de ce flux de migrants qui traversent ou s’arrêtent sur son territoire. Et les objectifs sont clairement énoncés par le royaume chérifien : l’intégration des immigrés réguliers dans une logique respectueuse des droits humains, d’où la nécessité d’un cadre institutionnel et juridique adapté. À Rabat, on explique haut et fort que toutes ces initiatives procèdent d’une volonté de garantir l’égalité entre des droits entre les Marocains et les étrangers, et donc d’exclure toute approche discriminatoire. Une manière de respecter d’une part la Constitution, et d’autre part, les conventions internationales auxquelles le royaume a adhéré.

18 000 personnes régularisées en 2014, soit 50 % d’avis favorables

Pays de destination de nombreux subsahariens pour des études, soit dans les universités, soit dans des écoles militaires (beaucoup d’officiers de gendarmerie et de pilotes subsahariens sont formés à l’Académie royale de Meknès ou à l’école d’aviation de Marrakech), le Maroc est aussi l’un des pays du Maghreb où les mariages mixtes avec des subsahariens sont les plus nombreux. De fait, cette campagne de régularisations a vite d’abord concerné les conjoints de Marocains, mais aussi d’autres étrangers en résidence régulière au Maroc, ainsi que leurs enfants. S’y sont ajoutés nombre d’étrangers disposant de contrats de travail ou justifiant de cinq ans de résidence continue, et enfin ceux atteints de maladies graves. L’ampleur a donc été sans commune mesure sachant que, pour l’année 2014, ce sont près de 18 000 personnes d’une centaine de nationalités qui ont réussi à être régularisés. Parmi eux, de nombreux ressortissants d’Afrique subsaharienne en tête desquels les Sénégalais (24,15 %) suivis des Nigérians (8, 71 %), des Ivoiriens (8,35 %)… avec un contingent de 5 060 femmes toutes nationalités confondues.

Luxe de précautions autour des droits des migrants

Dans le but de respecter les droits des migrants, une Commission nationale de suivi et de recours a été mise en place pour le réexamen des dossiers de régularisation déposés auprès des commissions provinciales de régularisation. Et tout a été fait pour une bonne représentativité. Présidée par le Conseil national des droits de l’homme, cette Commission est composée des représentants des ministères des Affaires étrangères et de la Coopération, des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration, de l’Intérieur, de l’Emploi et des Affaires sociales, de la délégation interministérielle aux droits de l’homme (DIDH), des acteurs associatifs et de personnalités qualifiées. En somme, moult précautions pour que la reconnaissance des droits fondamentaux des migrants ne souffre aucune entorse.

À l’horizon, de vrais défis

Il ressort de tous ces éléments que le Maroc s’évertue à intégrer au mieux des populations dont la majorité a une affinité au moins cultuelle avec ses citoyens. Mais, concrètement, que va-t-il se passer sur le terrain avec l’autre partie, la minoritaire, différente à la fois sur les plans cultuel et culturel ? La question mérite d’être posée au moment où, dans un environnement de tolérance religieuse, les églises évangéliques semblent avoir retrouvé une certaine vigueur alors qu’il y a peu elles s’étaient imperceptiblement assoupies.

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