Migrants: Marco Minniti, le ministre italien qui veut dompter la mer

Ancien cadre communiste passé par le renseignement, Marco Minniti est arrivé en décembre au ministère de l’Intérieur à Rome pour s’attaquer à la crise migratoire: en six mois, sa fermeté et ses contacts semblent avoir porté leurs fruits.

C’est une tradition du 15 août en Italie, quand les Romains abandonnent la ville aux touristes, le ministre de l’Intérieur réunit les responsables de la sécurité et convoque la presse pour faire un bilan.

Vols à la tire, violences routières ou contre les femmes, mafia, terrorisme… L’exercice est convenu et passe souvent inaperçu mais mardi, Marco Minniti a fait salle comble.

Fin décembre, son crâne chauve et son regard sévère avaient fait le tour du monde quand il était venu annoncer la mort d’Anis Amri, le suspect de l’attentat du marché de Noël à Berlin, tué par deux policiers après un contrôle près de Milan.

Dans l’enthousiasme, il avait donné le nom des deux agents, avant que ses services aient eu le temps de rendre inaccessibles leurs comptes de réseaux sociaux moins flatteurs.

Face à l’afflux de migrants, ce diplômé en philosophie originaire de Calabre (sud), âgé de 61 ans, s’est montré à la fois ferme et discret.

Fermeté face aux ONG engagées dans les secours au large de la Libye, auxquelles il a imposé transparence et coopération via un code de conduite qui a suscité des réticences y compris au sein du gouvernement.

Fermeté lorsqu’il a réclamé en vain que d’autres pays européens ouvrent leurs ports aux navires chargés de migrants secourus en mer, allant jusqu’à menacer de fournir aux nouveaux arrivants un visa Schengen selon une procédure européenne d’urgence utilisée en 2011.

Il a en revanche affiché sa discrétion lors de ses contacts en Libye, dont une partie remontent à ses années dans les arcanes du renseignement, pour obtenir que les tribus du Sud et les villes côtières où le trafic de migrants représentent une importante source de revenus changent de modèle économique et fassent barrage aux passeurs.

Au risque d’empiéter sur les plates-bandes de son prédécesseur, Angelino Alfano, désormais aux Affaires étrangères.

Selon la presse italienne, c’est Marco Minniti qui, poussant toujours plus pour que les gardes-côtes libyens interceptent les migrants avant qu’ils atteignent les eaux internationales, a obtenu l’accord de Tripoli pour une délicate mission d’appui de navires militaires italiens dans les eaux libyennes.

Et même si les raisons ne sont pas complètement limpides, la courbe commence à s’infléchir. Après avoir atteint la barre des 600.000 arrivées depuis 2014 -et 14.000 morts ou disparus en mer-, le compteur de l’Italie est de 13.500 arrivées depuis le 1er juillet, contre 30.500 l’an dernier à cette même période propice aux traversées.

"Nous sommes encore dans le tunnel et il est long. Mais pour la première fois, je commence à voir la lumière au bout du tunnel", déclare M. Minniti.

L’opposition de droite apprécie sa fermeté. Son insistance à maintenir les migrants en Libye rappelle d’ailleurs les accords passés en ce sens entre Silvio Berlusconi et Mouammar Kadhafi, même si le niveau des violences qui menacent les Africains en Libye a explosé.

C’est finalement de la gauche que viennent les critiques les plus virulentes. Mais celui qui dans sa jeunesse avait affiché dans son bureau au siège du Parti communiste à Reggio Calabria (sud) l’écriteau "Ici on travaille, on ne fait pas de politique" se veut réaliste.

Pour lui, "il y a un sentiment de peur", alimenté en partie par l’immigration, "et cette peur est le grand thème sur lequel les démocraties européennes se mesureront dans les 15 prochaines années".

"Affronter et gouverner les flux migratoires est crucial" pour le tissu social et la démocratie, insiste-t-il, alors que les populistes du Mouvement cinq étoiles font jeu égal dans les sondages à quelques mois des prochaines législatives avec le Parti démocrate (centre-gauche) de son gouvernement.

AFP

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