Maroc: le rapport du CESE pointe la persistance d’inégalités importantes au niveau régional et territorial

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pointe dans son rapport au titre de l’année 2017 de la persistance d’inégalités importantes au niveau régional et territorial, indiquant que ces dernières sont observables aussi bien sur le plan économique que social.

Sur le plan économique, le CESE explique qu’en termes de contribution au PIB total, jusqu’à 2015, trois régions sur 12 ont réalisé 58,3% du PIB du Maroc, à savoir Casablanca-Settat (32,2%), Rabat-Salé-Kénitra (16%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (10,1%), témoignant, ainsi, d’une concentration géographique poussée de la création de richesse.

En termes d’écarts territoriaux de niveau de consommation/hab, le rythme de convergence entre les 12 régions demeure assez lent et hétérogène selon les zones, poursuit le rapport, notant que selon les estimations du Haut Commissariat au Plan, "il faudrait environ 24 ans pour que le processus de convergence arrive à réduire les disparités régionales initiales de moitié".

Le CESE souligne que l’examen des indicateurs de dispersion du PIB par habitant montre une distribution inégalitaire à l’échelle territoriale. En effet, le coefficient de variation est estimé à 0,52, traduisant l’existence d’écarts en termes de niveau de développement entre les régions.

En outre, ces inégalités se sont creusées durant la période récente, le coefficient de variation étant passé de 0,35 en 2012 à 0,52 en 2015.

Parallèlement, l’indicateur d’autocorrélation spatiale de Moran entre les 12 régions est positif et significatif, aux alentours de 0,34, ce qui indique que les régions à PIB par habitant élevé et celles à PIB par habitant faible tendent à se concentrer dans des zones géographiques distinctes.

"En combinant ce résultat avec le creusement des inégalités dans le temps, il ressort clairement que le Maroc n’est pas arrivé jusqu’à présent à échapper au profil de développement territorial inégalitaire +Centre-Périphérie+, ce qui renvoie à la faible efficacité des politiques de développement territorial qui ont été menées auparavant", fait observer le rapport.

Le CESE souligne par ailleurs que sur la période 2008/2015, l’investissement des entreprises et établissement publics (EEP) a représenté 55% de l’investissement public, 36% dans le budget général et seulement 8% pour les collectivités territoriales. Les régions de la dorsale Tanger-El Jadida concentrent l’essentiel de l’investissement public.

De même, le niveau de développement des régions demeure généralement conditionné par l’attractivité du territoire pour l’investissement privé, lequel permet in fine de créer de la valeur ajoutée, des revenus et de générer des emplois. "Or, la répartition territoriale des entreprises montre qu’il existe des disparités flagrantes entre les régions. En effet, à fin 2017, trois régions sur 12 s’accaparaient 55% des entreprises au Maroc, ce qui impacte négativement la croissance et l’emploi des régions les moins attractives", déplore le document. Ces dernières, explique le CESE, continuent de souffrir de la faiblesse des ressources fiscales propres, vu l’étroitesse de la base fiscale locale, et par conséquent, entretiennent une forte dépendance par rapport aux transferts de l’Administration centrale.

Une mobilisation déséquilibrée de l’épargne est également observée sur le plan territorial. C’est ainsi qu’en 2016, la région de Casablanca-Settat qui renferme 40% des dépôts bancaires, a reçu plus de 64% des crédits bancaires au niveau national, alors que les populations et acteurs économiques d’autres régions reçoivent des proportions de crédit assez faibles par rapport à leurs contributions respectives aux dépôts, fait observer le Conseil.

En conséquence, l’épargne privée auprès du secteur bancaire dans certaines régions, ne profite pas forcément aux acteurs locaux.

Concernant le volet social, le rapport a relevé des inégalités territoriales qui se manifestent par des "écarts régionaux" en matière de pauvreté, chômage, droit à l’éducation ainsi que le droit d’accès à la santé.

En effet, le CESE pointe du doigt le taux de pauvreté monétaire au niveau régional qui dépasse la moyenne nationale (4,8%) dans les régions du Draa-Tafilalet (14,6%), Béni-Mellal-Khénifra (9,3%), Marrakech-Safi (5,4%), de l’Oriental (5,3%), Fès-Meknès (5,2%) et Souss-Massa (5,1%). Selon les données du rapport, ces régions regroupent 74% de l’ensemble de la population pauvre. En ce qui concerne le droit à l’éducation, certaines régions au Maroc ressortent plus inégalitaire en termes d’accès à l’éducation. Seules la région de Casablanca-Settat et celle de Rabat-Salé-Kénitra, ainsi que les trois régions du sud, affichent un nombre moyen d’années de scolarité supérieur à la moyenne nationale qui est de 5,64 ans, tandis que les 7 régions restantes enregistrent des niveaux inférieurs à la moyenne. Les inégalités sociales touchent également le droit d’accès à la santé.

En effet, le manque de personnel de soins, le manque de spécialistes, la faiblesse des équipements et parfois l’indisponibilité de médicaments, en plus de la longueur des distances à parcourir pour atteindre le centre sanitaire le plus proche et les délais d’attente excessivement longs, sont les déficits importants dont les régions du Royaume souffrent, à l’exception des régions de Casablanca et Rabat avec plus de 40% médecins localisés.

S’agissant des obstacles institutionnels et opérationnels qui restent à surmonter pour réduire les inégalités territoriales, le CESE préconise la nécessité d’accélérer le processus d’implémentation des réformes engagées sur le plan institutionnel et opérationnel, afin de faire aboutir la politique de la régionalisation avancée.

Le Conseil précise que le volet relatif au financement continue à être l’un des obstacles majeurs à l’avancement du processus de la régionalisation avancée. En effet, malgré les efforts de mobilisation de ressources vers les régions, ces ressources risquent d’être insuffisantes, surtout eu égard à l’ampleur des déficits en matière de développement dont pâtissent plusieurs régions du Royaume, estime le Conseil.

Parallèlement, le CESE plaide pour la mise en place d’une entité de coordination des actions des régions. L’objectif derrière la création de cette instance serait de veiller à la cohérence entre les programmes de développement régionaux (PDR) et les stratégies sectorielles et transversales au niveau national, conclut le rapport.

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