Maroc-Procès Gdeim Izik : Les familles des victimes seront-elles entendues?

Maroc-Procès Gdeim Izik : Les familles des victimes seront-elles entendues?
Le procès des mis en cause dans l’affaire du démantèlement du camp Gdeim Izik, qui se déroule actuellement devant le tribunal militaire à Rabat, notamment les séances d’audition des accusés, constitue une véritable épreuve pour les familles des victimes de ces évènements, éplorées qu’elles sont par la perte d’un fils, d’un frère ou d’un mari.

Ces séances d’audition, qui se sont poursuivies quatre jours durant, depuis la reprise du procès vendredi dernier, ont suscité la même interrogation chez toutes ces familles: N’ont-elles pas droit, elles aussi, à des séances d’audition qui leur permettraient de relater leur chagrin devant l’opinion publique nationale et internationale, mais surtout devant ceux qui cherchent à travestir la réalité?

En effet, en présence d’acteurs de la société civile et d’observateurs nationaux et internationaux, qui ne se sont pas contentés des services de traduction assurés par le tribunal, et ont tenu à s’attacher les services de traducteurs privés, de représentants des médias marocains et étrangers et d’une équipe de défense de 7 avocats, les 24 mis en cause ont eu toute la latitude d’exposer leur version des faits, dans les moindres détails.

Ces accusés, qui doivent répondre de chefs d’inculpation de "constitution de bandes criminelles, violences contre les forces de l’ordre ayant entraîné mort d’homme et mutilation de cadavres", ont non seulement relaté les circonstances de leur arrestation, mais pris la liberté d’exprimer leurs opinions politiques, en dépit des appels à l’ordre du président du tribunal, leur expliquant que la cour "n’était pas une tribune pour faire passer des messages politiques".

Les familles des victimes, quant à elles, prenaient place au fond de la salle, assistant au déroulement des auditions qui constituaient pour elles un réel supplice, tant il est vrai qu’elles n’avaient pas l’opportunité d’exposer leurs opinions et dévoiler la vérité, essentiellement devant ceux qui ont instrumentalisé ce procès à des fins politiciennes.

Dans des déclarations recueillies mercredi par la MAP avant la tenue de la 6ème séance, des familles de victimes ont fait part de leurs souffrances et des conditions financières difficiles qu’elles vivent après la disparition, dans ces événements, de leur unique soutien.

Naïma, mère de feu Abdelmajid Atertour (23 ans), venue de Taza pour assister au procès, se rappelle que son fils l’avait appelée de Laâyoune, la veille de son assassinat, pour l’informer qu’il lui avait envoyé de l’argent pour alléger les charges de son père à la veille de l’Al Aïd Al Adha.

En larmes, elle confie qu’au moment où elle attendait une autre communication de son fils, c’est son décès qu’elle apprit, ajoutant que le défunt était mort écrasé sous les roues d’un véhicule.

Une autre mère, qui n’avait que les larmes pour exprimer sa détresse tout au long de ces séances, a expliqué que son fils, un élément des forces auxiliaires, "a été égorgé comme un mouton".

Pour sa part, Khadija, mère de Yassine Boughattaya (24 ans), également des forces auxiliaires, raconte que son fils "qui accomplissait son devoir, a été tué et son cadavre mutilé, sans considération aucune pour les sentiments de sa famille ou respect des valeurs religieuses".

Nombreuses sont ces mamans qui brandissent les photos de leurs fils, fauchés par une violence sans nom dans la fleur de l’âge.

Les pères ne sont pas en reste. Ils ont confié à la MAP leur douleur et leur détresse, affirmant qu’"après avoir enterré leurs fils, ils souhaitent enterrer également ce dossier, une fois justice rendue et les coupables condamnés".

Toutefois, en dépit de ce déchirement qui dure depuis plus de deux ans, ils ne nourrissent aucune envie de vengeance et souhaitent voir la justice prendre son cours normal.

"Ce ne sont pas nos ennemis, en dépit de ce qu’ils ont infligé à nos fils", a assuré l’un de ces père, qui a dit voir d’un très bon oeil les facilités accordées aux mis en cause, dont l’un a été transféré à l’hô pital suite à une crise, alors qu’un autre s’est vu accorder une période de repos à la prison, outre le médecin qui est mis à leur disposition.

"Nous avons offert nos fils à la patrie, et nous en sommes fiers. Ce sont des martyrs", ont-ils dit.

Le porte-parole de la coordination des familles des victimes des évènements de Gdeim Izik a indiqué que le procès "n’a aucun caractère politique. Il s’agit de crimes atroces commis à l’encontre de personnes innocentes et sans armes".

Il a, à cet égard, dénoncé les tentatives de certaines parties à vouloir induire en erreur l’opinion publique nationale et internationale, appelant les médias à faire montre d’impartialité et à être à l’écoute de toutes les parties.

Formant le voeu de voir cette affaire jugée dans la célérité, il a affirmé qu’"on ne peut pas non plus priver les mis en cause de leur droit à la défense".

Le tribunal avait rejeté, mercredi, la requête d’un avocat du barreau de Rabat de se constituer partie civile, en application de l’article 9 du même code qui interdit la constitution d’une partie civile devant une juridiction militaire.

Les événements du camp de Gdeim Izik, qui remontent aux mois d’octobre-novembre 2010, avaient fait 11 morts et 70 blessés parmi les éléments des forces de l’ordre, dont plusieurs ont été grièvement atteints, ainsi que quatre autres blessés parmi les civils.

Si la nature de cette affaire traitée devant le tribunal militaire fait que les familles des victimes soient les grandes absentes de ce procès, il n’en demeure pas moins que la décision, mercredi, du président du tribunal militaire de recevoir et de présenter ses condoléances aux familles des victimes devant l’assistance, a été un moment très émouvant qui a marqué ce procès et montré le souci du tribunal de rendre justice en préservant les droits de tous.

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