Maroc : Pour Benkirane, le train ne sifflera pas trois fois

La figure du leader incontestable et providentiel n’a pas pris. L’islamiste Abdelilah Benkirane ne va pas rempiler pour un troisième mandat à la tête du PJD. Ainsi en ont voulu ses frères et sœurs au sein du parti de la lampe, dimanche en session extraordinaire du conseil national.

Narjis Rerhaye (A Rabat)

La figure du leader incontestable et providentiel n’a pas pris. L’islamiste Abdelilah Benkirane ne va pas rempiler pour un troisième mandat à la tête du PJD. Ainsi en ont voulu ses frères et sœurs au sein du parti de la lampe, dimanche en session extraordinaire du conseil national.

L’amendement de l’article 16 autorisant Benkirane à un nouveau mandat a été rejeté. 126 voix contre 101 : le destin politique de « Si » Abdelilah comme l’appellent ses aficionados a définitivement basculé ce dimanche 26 novembre 2017. L’ancien chef de gouvernement, limogé et remplacé par Saadeddine Elotmani doit de nouveau céder son fauteuil. Malgré une courte majorité, 25 voix de différence, la démocratie interne en a ainsi décidé. Au PJD, le train ne sifflera pas trois fois.

Abdelilah Benkirane s’y attendait-il vraiment? Au sortir du conseil national, vêtu de sa jellaba en mlifa noire, il prend bien soin de ne rien montrer. Une déclaration laconique pour signifier que les frères ont choisi, que le choix procède des règles de la démocratie et qu’il se pliait à la décision. Ceux qui peuvent se targuer de bien le connaître savent qu’il accuse le coup. L’image de l’homme providentiel qui n’a rien demandé –comme il a tenu à le rappeler dimanche après l’échec d’une tentative de continuer de contrôler le PJD- est bien écornée. Les islamistes au pouvoir ne veulent pas d’un homme providentiel mais d’un secrétaire général démocratiquement élu. Le PJD se normalise, devient un parti comme tous les autres et c’est ce qui a, au fond, opposé, le courant des ministres à celui des soutiens de Benkirane, majoritairement situés dans les rangs de la jeunesse. Les arguments de ceux qui se sont mobilisés contre l’amendement de l’article 16 des statuts du PJD sont d’ailleurs puisés à cette aune. « Le parti Justice et Développement n’est pas une zaouia ». «Le parti ne peut être placé sous la houlette d’un seul homme ». Bref, les Pjdistes refusent d’avoir un gourou, fût-il Benkiane.

Au prochain congrès du PJD, convoqué les 9 et 10 décembre prochain, le Secrétaire général sortant est donc sommé de rendre son tablier, et, surtout, de faire place nette à son successeur. Ce sera très probablement et sans surprise Saadeddine Elotmani, qui va occuper le fauteuil de leader. Ironie du sort, la règle a été en son temps fixée par Abdelilah Benkirane lui-même : le SG du parti ne peut être autre que le chef de gouvernement.

Le temps de la revanche est-il définitivement terminé pour l’ancien chef de gouvernement qui a choisi la posture de l’amoureux éconduit après son limogeage ? Son ambition de faire du PJD, la principale formation politique au pouvoir, la mauvaise conscience du chef de gouvernement et des ministres islamistes a en tout cas échoué. Et comme si une seule défaite ne suffisait pas, l’amendement de l’article 37 visant à empêcher les ministres à siéger automatiquement au sein du secrétariat national a été rejeté, dimanche, par une large majorité des membres du conseil national.

Faut-il pour autant conclure à la fin de la carrière politique de Benkirane ? Il ne faut pas perdre de vue que 101 militants sur les 227 que compte le parlement du PJD se sont prononcé pour son maintien à la tête du parti, prêts qu’ils étaient à adopter un article taillé sur mesure pour en faire un leader inamovible. Le clan des ministres ainsi que les défenseurs du chef de gouvernement et président du conseil national ont certes remporté une bataille décisive. D’un côté comme de l’autre, on compte les soutiens et on mesure les capacités de nuisance respectives. A la tête du PJD, Elotmani aura les coudées franches et n’aura plus à prévenir les mauvais coups portés à sa mandature, l’épouvantail Benkirane n’étant plus sur sa route. Sera-t-il pour autant ce chef de gouvernement à même de mener les réformes les plus difficiles tout en les faisant accepter ? C’est toute la question qui se pose maintenant.

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