Manifestation monstre à Hong Kong malgré le recul du gouvernement

Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dimanche à Hong Kong pour dénoncer un projet décrié d’extraditions vers la Chine, nouvelle manifestation monstre destinée à maintenir la pression malgré le recul du gouvernement.

Les organisateurs exigent de Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif pro-Pékin de Hong Kong qui a suspendu samedi le projet de loi, qu’elle le remise définitivement au placard. Ils réclament en outre sa démission ainsi que des excuses pour les violences policières.

"Retirez la loi maléfique !", scandaient les protestataires vêtus de noir. Comme ils l’avaient fait le 9 juin, avec un record de participants évalué à un million par les organisateurs, les manifestants ont défilé dans le coeur de l’île de Hong Kong pour gagner le Conseil législatif (LegCo: le Parlement local).

D’après ses détracteurs, le projet de loi placerait la population de l’ancienne colonie britannique à la merci du système judiciaire de Chine continentale, opaque et sous influence du Parti communiste. Les milieux d’affaires craignent que la réforme nuise à l’image internationale et l’attractivité du centre financier.

"La réaction de Carrie Lam n’était pas sincère, c’est pour cela que je manifeste aujourd’hui", explique Terence Shek, 39 ans, venu avec ses enfants.

"Personnellement, je pense qu’elle ne peux plus gouverner Hong Kong, elle a perdu la confiance de l’opinion publique", renchérit Dave Wong, 38 ans, qui travaille dans la finance.

Mercredi, Hong Kong avait connu les pires violences politiques depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, quand des dizaines de milliers de personnes avait été dispersées par la police à coups de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.

"Police de Hong Kong, tu dois nous protéger, pas nous tirer dessus", pouvait-on lire sur une banderole. Des manifestants brandissaient les photos des affrontements.

Des fleurs pour un mort

Près de 80 personnes, dont 22 policiers, avaient été blessées mercredi. Samedi, un homme est mort en tombant du toit d’un luxueux centre commercial du centre-ville, d’où il tenait depuis plusieurs heures une banderole: "Retirez complètement la loi d’extradition chinoise. Nous ne sommes pas des émeutiers. Libérez les étudiants et les blessés".

Les gens formaient d’immenses files d’attente pour déposer des bouquets de fleurs et des grues en origami sur les lieux du drame ainsi que des messages d’hommage au défunt.

Malgré le recul gouvernemental, la foule ne décolère pas.

Jimmy Sham, du Front des droits humains civiques (CHRF), a comparé le projet de loi à un "couteau" s’étant abattu sur Hong Kong. "Il a presque atteint notre coeur. Maintenant le gouvernement dit qu’il ne l’enfoncera pas davantage, mais il refuse aussi de le ressortir".

L’opposition au projet de loi est très large, réunissant avocats, organisations juridiques influentes, capitaines d’industrie, chambres de commerce, journalistes, militants, religieux et diplomates occidentaux.

En vertu du principe "un pays, deux systèmes", l’ancienne colonie britannique jouit de libertés inconnues en Chine, théoriquement jusqu’en 2047.

Ressentiment plus large

Mais le mouvement dépasse la question des extraditions et exprime un ressentiment beaucoup plus large contre le gouvernement et contre Pékin, accusés de rogner depuis des années les libertés du territoire semi-autonome.

A Lion Rock, un sommet située dans la partie continentale de Hong Kong, une immense bannière avait été déployée: "Défendez Hong Kong !"

Les estimations du manifestants ne devaient pas être connues avant quelques heures. Mais des foules immenses prenaient toujours le départ du défilé en début de soirée.

Ces derniers jours, la cheffe du gouvernement s’est retrouvée de plus en plus isolée, les députés proPékin prenant eux-mêmes leurs distances par rapport au texte au motif qu’il porterait atteinte à l’environnement économique de Hong Kong.

Son recul représente toutefois une volte-face rare de la part d’autorités qui avaient refusé de céder le moindre pouce de terrain aux protestataires de l’immense mouvement de l’automne 2014. Ils n’avaient pas obtenu l’élection du chef du gouvernement au suffrage universel, et des figures clé du mouvement sont aujourd’hui en prison.

"Nous soutenons, respectons et comprenons" la décision de suspendre le texte, a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères, parlant de la nécessité de "restaurer le calme au plus vite" dans le territoire.

En Chine, toute référence à la manifestation avait été expurgée de l’internet.

Les détracteurs de Mme Lam, qui a dénoncé des "émeutiers", lui reprochent d’avoir manqué plusieurs occasions de présenter ses excuses pour le comportement de la police.

Celle-ci a justifié la vigueur de son action par les actes de violence perpétrés par certains manifestants. Mais l’opposition l’accuse de s’être servie des agissements d’une infime minorité pour se déchaîner sur l’ensemble des protestataires, en grande majorité pacifiques.

"Les groupes pro-démocratie ne vont pas s’arrêter là. Ils veulent profiter de la dynamique contre Carrie Lam", a expliqué à l’AFP l’analyste politique Willy Lam. "Ils vont maintenir la pression et continuer sur cette lancée".

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