Maghreb : l’ordonnance du Dr FMI

Si les situations économiques ne sont pas similaires de Rabat à Tunis, les recommandations de l’institution le sont souvent. Posologie des traitements.

Une mission des services du FMI vient de quitter Alger après treize jours de travaux. Christine Lagarde s’est entretenue en janvier avec le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed. Au Maroc, une mission consultative vient de publier ses conclusions. Idem à Nouakchott où Mitsuhiro Furusawa, le DG adjoint du FMI, a effectué une visite. Pour la Libye, l’heure n’est pas encore à l’analyse chiffrée de la situation. Des combats inter-tribus se déroulent dans le Sud. Tant que la paix ne sera pas revenue, sept ans après la chute du régime Kadhafi, impossible de lister des recommandations économiques.

La suavité du vocabulaire

À l’issue de la plongée dans les livres de compte du Maghreb, les équipes du FMI utilisent des formules de politesse aux multiples variations : on loue la « chaleureuse hospitalité », « les entretiens productifs » voire « les entretiens très productifs », « les réunions » qui s’avèrent également « constructives », d’autant qu’une « véritable franchise a caractérisé les échanges de vues ». Une véritable floraison de courtoisie, un catalogue de bonnes manières, un art de la civilité qui préfigure l’ordonnance économique qui vient dans un second temps. Prescription qui préconise une « croissance inclusive et durable ». Si le FMI semble moins brutal – rien de comparable avec les traitements infligés à la Grèce il y a quelques années – l’institution issue des accords de Bretton Woods préconise des remèdes assez proches aux pays d’Afrique du Nord.

Ce que dit le FMI au Maghreb

Sur les rivages du sud de la Méditerranée, les réformes conseillées par les différentes escouades FMI ont de nombreux points communs : « resserrer la politique monétaire pour calmer l’inflation » (Algérie et Tunisie), « simplifier la bureaucratie » (tout le Maghreb), privilégier la « vente d’actifs » pour désendetter l’État (Algérie, Tunisie), « élargir l’assiette fiscale » afin d’augmenter l’impôt (Maroc, Tunisie, Algérie), « réduire les subventions à l’énergie qui s’avèrent très coûteuses » et souvent « contre-productives », « lutter contre l’informel » (tout le Maghreb)… Année après année, les fondamentaux des réformes demeurent les mêmes.

Le Maroc, le bon élève du Maghreb

Si l’on choisit les critères croissance et inflation, c’est Rabat qui s’impose, économiquement parlant. Avec une croissance de 4,4 % et une inflation de 1,6 % en 2017, le Royaume chérifien aligne les bons chiffres. Tunis vit pour sa part à l’heure d’une spirale inflationniste – + 7,1 % sur les douze derniers mois – et d’une croissance insuffisante (+ 2 %) pour créer de la richesse et des emplois. Le FMI juge que les pays de la région ont besoin de 6 % de croissance pour parvenir à juguler le chômage des jeunes. En Algérie, l’inflation baisse, passant de 6,4 % en 2016 à 5,6 % en 2017. La mission dirigée par Jean-François Dauphin a cependant mis en garde contre l’usage qui est actuellement fait de la planche à billets. Elle a cependant salué « la dette publique relativement basse » ainsi que « la dette extérieure faible ». Ce qui n’est pas le cas de la Tunisie dont les réserves de change de la Banque centrale sont tombées à 78 jours (l’orthodoxie prônant 91 jours). Elle sortira sur les marchés internationaux sous peu pour emprunter un milliard de dollars. Au Maghreb, le FMI n’est en rien un docteur Diafoirus prônant la saignée au sein des dépenses publiques. Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale, mettait l’accent – dans une note publiée en janvier – sur « la croissance faible, le chômage endémique et la corruption endémique » qui alimentent les « frustrations sociales ». Les mouvements qui sont survenus en Tunisie en janvier en attestent.

Par Benoît Delmas
Le Point

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