Macron dans le piège de l’antiterrorisme ?

Par Mustapha Tossa

Emmanuel Macron peut se targuer d’avoir réussi sa première rentrée politique, même s’il doit le faire sous l’amère constat des mauvais sondages. Alors que les pronostics les plus pessimistes lui prédisaient une houleuse levée de bouclier social contre ce qui était perçu comme un démantèlement du code de travail, la protestation syndicale et politique fut vive mais insuffisante pour exercer une pression déterminante et l’acculer à retirer sa réforme. Emmanuel Macron a su tirer bénéfice de la division syndicale qu’il a habilement provoquée et de la grande détresse des partis politiques traditionnels en train de cuver leurs défaites, à la recherche à la fois d’un leadership et d’un projet politique.

La source de la grande faiblesse qu’a montrée Emmanuel Macron ne s’est pas manifestée dans ses idées réformatrices de l’économie ou du code de travail. Elle est apparue lorsqu’il a voulu accomplir une autre promesse de sa campagne électorale, à savoir la sortie de l’État d’urgence instauré par François Hollande au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo. Cette sortie de L’Etat d’urgence passait nécessairement par le vote d’une loi anti terrorisme qui a repris dans son corps la plupart des dispositions légales et administratives de l’Etat d’urgence. Emmanuel Macron et son équipe pensaient ainsi contourner et désarmer les critiques qui estimaient comme une erreur impardonnable la sortie de L’Etat d’urgence. Or ce qui s’est passé depuis fut une lourde épreuve pour l’ensemble de la gouvernance Macron. Le charme rompu constaté par les sondages s’est transformé en un doute sur la capacité de l’équipe Macron à être à la hauteur des enjeux de sécurité qu’affronte le pays sous la persistance menace terroriste.

Cette loi pour lutter contre le terrorisme a été l’occasion pour les différents partis politiques pour sortir de leurs torpeurs. Incapable de formuler une critique cohérente contre les choix économiques du gouvernement, un parti comme le Front National dont l’icône Marine Le Pen peine à exister s’est ruée dans les brancards pour fustiger l’angélisme, voire l’incompétence du gouvernement pour lutter efficacement contre le terrorisme. Marine Le Pen estime avoir trouvé l’angle d’attaque pour montrer et stigmatiser les déficits du gouvernement dans un champ d’action jugé primordial pour les français, la sécurité. Elle argumente son opposition de cette manière: « Cette loi est une escroquerie, c’est un sous-état d’urgence (… ) Elle sera encore moins efficace que l’état d’urgence car moins applicable ». Elle est par ailleurs estimé que ce texte "ne s’attaque ni à la dimension spécifique du terrorisme, ni à l’idéologie islamiste qui nous fait la guerre ».

Elle fut rejointe par la faction la plus critique à l’égard de Macron chez « Les Républicains ». Cette charge très droitière vise à montrer les limites d’une politique jugée allégée en matière de sécurité alors que la menace n’a jamais été aussi pesante sur la France. Christian Estrosi, maire LR de Nice fait même des propositions au gouvernement sur la manière de lutter contre le terrorisme: « Nous sommes confrontés à une guerre qui nous est faite à l’israélienne, et ne pas mener nous-mêmes cette guerre à l’israélienne, c’est-à-dire nous appuyer à la fois sur toutes les administrations, toutes les collectivités, et aussi les populations -car en Israël les populations, par des campagnes d’information et de communication, sont associées-, c’est une erreur ».

De l’autre côté de l’échiquier politique, à gauche du Parti socialiste ou chez « les Insoumis » de Jean Luc Mélenchon, la charge est non moins violente. Emmanuel Macron est accusé d’avoir gravé dans le marbre institutionnel des dispositions liberticides sans que le résultat de son efficacité ne soit garanti. La gauche est vent debout contre un projet qu’il estime porteur d’atteintes graves aux valeurs de libertés et de vivre ensemble.

Critiqué aussi bien par la droite et que par la gauche sur un projet crucial au cœur des préoccupations françaises, Emmanuel Macron aurait pu se vanter d’avoir réussi un projet équilibré que le droite fustige pour son inefficacité et que la gauche plombe pour ses tendances liberticides. Et pourtant le débat provoqué par sa sortie de l’État d’urgence a de quoi inquiéter. Il pourrait cristalliser une angoisse française qui prendra davantage d’ampleur dans un monde soumis en permanence à la menace terroriste.

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