Macron accueille Poutine en « voisin important » avant le G7

Après deux ans passés à renouer les relations franco-russes, Emmanuel Macron accueille lundi Vladimir Poutine en « voisin important », incontournable dans les conflits en cours, une façon de pallier l’absence de Moscou au sommet du G7 le week-end prochain.

Le maître du Kremlin est attendu vers 16H00 (14H00 GMT) au fort de Brégançon, résidence d’été du chef de l’Etat français, où des dizaines de gendarmes surveillent les accès et deux vedettes de la Marine nationale patrouillent au large.

En contact régulier au téléphone, les deux hommes se sont déjà vus plusieurs fois en tête-à-tête : Emmanuel Macron l’a reçu dans les fastes de Versailles en mai 2017, juste après son élection, puis s’est rendu à son invitation à Saint-Pétersbourg l’an dernier. Ils se sont également entretenus lors de chaque G20, tout dernièrement à Osaka en juin. Un contact constant et des relations moins dégradées que sous la présidence de François Hollande.

En désaccord sur de nombreux dossiers, leurs relations, à la fois franches et tendues, n’ont jamais été interrompues. A Versailles, devant un Vladimir Poutine impassible, Emmanuel Macron avait critiqué publiquement la répression des homosexuels en Tchétchénie et l’ingérence des médias russes, Russia Today et Sputnik, dans la campagne électorale.

Encore en juin dernier, Vladimir Poutine n’a pas caché son mépris pour les démocraties libérales, qualifiées de "dépassées". Ce à quoi le président français s’est dit en "désaccord irréductible", déclarant que les démocraties libérales avaient "beaucoup à apporter" même si "les régimes illibéraux peuvent donner le sentiment d’être plus efficaces" parfois.

Paris a aussi récemment mis en garde Moscou contre un usage excessif de la force lors des récentes manifestations d’opposants, le Kremlin répliquant aussitôt que la France n’avait pas de leçon à lui donner au vu du traitement policier du mouvement social des "gilets jaunes".

"Realpolitik"

Mais lundi l’heure pour Emmanuel Macron est à la "realpolitik" assumée — "on ne fait de politique qu’avec des réalités", a souligné l’Elysée, citant de Gaulle — avec la recherche de terrains d’entente avec la puissance russe, avec qui Paris a "des intérêts communs".

Avec cette rencontre, Emmanuel Macron tente aussi d’arrimer Vladimir Poutine dans le multilatéralisme du prochain sommet du G7, dont est exclue la Russie depuis 2014 et l’annexion de la Crimée.

Premier dossier, visiblement enlisé, l’Ukraine, où Moscou continue à soutenir les mouvements séparatistes pro-russes. L’arrivée au pouvoir du président ukrainien Volodymyr Zelensky est perçue par Paris comme porteuse d’opportunités pour mettre fin aux conflits armés, comme le prévoit l’accord de Minsk.

"Le principal sujet visiblement sera de raviver les accords de Minsk" pour la paix dans l’est de l’Ukraine, estime Alexandre Baounov, analyste au centre Carnegie. "Poutine est prêt à une relance (des efforts de paix) si un statut fédéral est accordé au Donbass". "Là, il y a une vraie chance de progrès. Macron serait ravi de mettre fin à la guerre dans le Donbass, pour entrer dans l’histoire comme Nicolas Sarkozy avec la Géorgie", selon l’analyste.

Autre crise encore plus urgente, la Syrie, en particulier la région d’Idleb où le régime syrien poursuit son offensive, appuyé par l’aviation russe qui bombarde les positions rebelles.

Paris dit prudemment vouloir demander à Vladimir Poutine d’"user de son influence" sur Damas pour cesser l’offensive.

"Un nouveau sommet quadripartite (Russie-France-Allemagne-Turquie) sera peut-être évoqué" sur ce sujet, selon le Kremlin.

Enfin, concernant l’accord avec l’Iran sur le nucléaire, que la France s’efforce de maintenir en vie, Emmanuel Macron voudrait obtenir de son invité qu’il enjoigne à Téhéran de respecter ses obligations de ne pas enrichir d’uranium, afin de sauver cet accord torpillé par le retrait américain.

Troisième voie

Plus globalement, cette rencontre "est une tentative très utile pour sortir la France et si possible l’Europe d’une impasse" dans ses relations avec la Russie, a estimé l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine, dans un entretien au Figaro samedi.

Emmanuel Macron se pose ainsi en troisième voie et espère entraîner toute l’UE derrière lui, pour mener une diplomatie européenne indépendante. "L’Europe doit dialoguer avec la Russie", laquelle doit "faire des efforts", avait-t-il résumé en juin.

Pour éliminer un point de crispation, la justice russe vient de libérer le banquier français Philippe Delpal, détenu depuis février sous l’accusation de fraude et désormais assigné à résidence.

Emmanuel Macron évoquera-t-il publiquement devant son hôte les arrestations massives de manifestants à Moscou ? Après l’arrivée de M. Poutine, les deux hommes doivent faire une déclaration ensemble à la presse avant leur entretien, qui sera suivi d’un dîner.

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