Macron à l’épreuve du terrorisme endogène

par Mustapha Tossa

Il est vrai que le temps de l’émotion nationale imposé par l’attentat de Trèbes est de nature à reporter une réflexion froide et rationnelle sur la politique à suivre pour lutter contre le terrorisme et ses nouvelles formes. Dès sa première réaction, Emmanuel Macron a évoqué l’hypothèse d’un terrorisme endogène qu’il va falloir traiter avec de nouvelles méthodes et une nouvelle vision. Il s’agit du premier attentat de cette ampleur depuis la fin de l’état d’urgence et l’entrée en vigueur de la nouvelle loi anti terroriste.

Dans sa communication autour de ce dramatique événement, Emmanuel Macron a innové en la matière. De retour de Bruxelles, une caméra à l’épaule immortalisant dans le mouvement son entrée en campagnie du premier ministre Édouard Philippe au siège du ministère de l’intérieur et sa visioconférence en direct avec Gérard Colomb. Toute cette mise en scène n’avait qu’un message, celui de rassurer les Français que l’exécutif était à la manœuvre et travaille à leur protection. Beaucoup a été écrit sur cette riche séquence qui restera dans les annales de la communication de crise comme un tournant majeur.

Cette communication a certes occupé les antennes et les espaces de réflexion mais n’a fait qu’ajourner un inévitable débat sur la thérapie proposée par le gouvernement en vue de traiter le phénomène de tous ces radicalisés fichés S qui constituent l’épine dorsale de ce terrorisme endogène décrié par Emmanuel Macron. Et le débat vieux comme l’historique des attentats terroristes en France resurgit avec une forme de pertinence teintée d’amertume et d’impuissance. Que fait-on de cette population évaluée à presque vingt milles personnes dont le pédigrée risque à n’importe quel moment de basculer dans la terreur ?

Ce débat relancé à l’occasion de cet attentat met la gouvernance Macron dans une délicate séquence. Comment faire le constat lucide des failles du système sans être en capacité d’apporter des solutions concrètes pour y remédier. De l’aveu de nombreux spécialistes de la question, la situation de tous ces fichiers S, qu’ils soient d’essence radicale ou d’extrême droite, qui menacent potentiellement la sécurité du pays interrogent profondément les fondements de l’Etat de droit. Intenter une procédure contre une intention ou possible évolution interpellent les principes de l’acte juridique sur lequel est basé l’esprit des lois en France.

Il est vrai que de nombreuses voix se sont saisies de cette situation pour réclamer une posture tranchée et radicale contre ces éléments. Entre l’expulsion pour les étrangers et la rétention administrative pour les nationaux, les palettes des solutions proposées reflètent l’impatience des français face à ce vécu de plus en plus dangereux et déstabilisant. Ce sont des recettes radicales envisagées qui feraient fatalement renaître sur le territoire européen l’esprit « Guantanamo » et qui remettrait en cause toutes les valeurs que lesquelles reposent les démocraties européennes. Pour certaines voix, si les politiques européennes sont condamnées à cette gestion, elles feraient involontairement le jeu des forces extrémistes qui cherchent à semer la confusion et la zizanie au sein de ces sociétés avec une possibilité non négligeable d’augmenter leurs capacités de recrutement et de séduction.

Les politiques de déradicalisation envisagées par l’ancien gouvernement socialiste du couple Hollande/Cazeneuve ayant montré ses limites, le défi que rencontre Emmanuel Macron est de trouver de nouveaux ressorts pour démanteler les composantes de ce terrorisme endogène tant décrié. Il doit le faire sous la pression d’une opposition politique, qu’elle soit de droite en la personne de Laurent Wauquiez ou d’extrême droite incarnée par Marine Le Pen.

Et parce que cette opposition en l’absence d’angles d’attaque pertinents trouve des difficultés à s’imposer face au président de la république à qui tout semble réussi sur le plan économique qu’elle mettra tout en œuvre pour mettre en difficulté la gouvernance Macron . Elle a pris conscience que la sécurité et la lutte contre le terrorisme était, malgré les apparences et les déclarations musclées, son talon d’Achille. Il n’est pas exclu que cette opposition puisse appuyer là où cela fait mal pour obliger le gouvernement à envisager les solutions les plus contestables et le plus polémiques.

Pour lutter contre ce terrorisme endogène, Emmanuel Macron va devoir doser entre une forte envie de sécurité exigée par une droite à la recherche d’une rampe de lancement politique pour exister et une gauche tentée par le désir de se recentrer sur les grandes valeurs de l’Etat de droit qu’elle refuse de sacrifier au nom de la lutte contre le terrorisme.

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