Loi travail : Valls ne veut pas de compromis, d’après les frondeurs PS

Manuel Valls avait prévenu : le recours au 49.3 pour faire passer la loi travail n’était pas à exclure. C’est désormais la solution qui semble privilégiée.

Il a déjà été utilisé lors des débats à l’Assemblée sur la loi Macron : le gouvernement va-t-il à nouveau « passer en force » en ayant recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution ? Manuel Valls « n’a visiblement pas l’envie d’aller vers un compromis » sur le projet de loi travail en « refusant » de modifier son article le plus polémique, a dénoncé mardi le chef de file des députés PS frondeurs, Christian Paul, à l’issue d’une réunion à Matignon avec le Premier ministre. Selon des participants à cette réunion, Manuel Valls n’a pas annoncé à ce stade qu’il allait recourir sur ce projet de loi au 49.3 (adoption d’un texte sans vote avec engagement de la responsabilité du gouvernement).

Les députés sont rentrés lundi dans le vif de la loi travail, mais les débats ont pris une tournure étrange, le gouvernement ayant repoussé les votes sur les amendements « jusqu’à nouvel ordre », illustrant les doutes sur la majorité alors que la menace du 49.3 se renforce. Depuis l’arrivée dans l’hémicycle mardi du texte de loi travail, « de progrès » pour François Hollande, « juste et nécessaire » selon Myriam El Khomri, mais contesté depuis plus de deux mois dans la rue, les travaux piétinent et les tractations en coulisses continuent. Mais, selon une source gouvernementale, « les choses sont réglées » sur le 49.3. « On ne peut pas ne pas utiliser » cet outil vu les blocages sur l’article 2 sur les accords d’entreprise, et « les choses seront dites » dès mardi si ça « ne se dénoue pas », ajoute cette source, selon laquelle « beaucoup de députés en ont marre et veulent qu’on arrête tout ça ».

« Simulacre » de vote

Alors que les élus venaient lundi de commencer à examiner les amendements sur l’article 1, créant une commission chargée de proposer une refondation de la partie législative du Code du travail, la ministre a demandé « la réserve des votes ». Après cette procédure, qui n’a pas été levée jusqu’à la fin des discussions tard dans la soirée, plusieurs élus sont montés au créneau, dénonçant, comme Francis Vercamer (UDI), un signe de « fébrilité », ou une « image déplorable » donnée au peuple avec ces débats sans votes, selon le chef de file des députés du Front de gauche André Chassaigne.

C’est « surréaliste », « ça ressemble à un simulacre », a aussi lancé la socialiste « frondeuse » et ex-ministre Aurélie Filipetti, le terme de « simulacre » étant repris notamment par la droite et des écologistes. Dès l’ouverture des discussions, et alors que les députés n’ont en théorie que jusqu’à jeudi soir pour débattre des quelque 5 000 amendements, avant le vote solennel prévu le 17 mai, la menace de 49.3 était omniprésente.

Une « arme constitutionnelle »

« Ave Caesar, morituri te salutant », s’est exclamé Bernard Debré (LR), accusant le gouvernement de vouloir « déposséder » les députés de leurs prérogatives en recourant à cette arme constitutionnelle. Dans la soirée, plusieurs élus ont tenté en vain d’en savoir plus sur les intentions du gouvernement, comme Dominique Tian (LR) plaidant pour que le président du groupe socialiste Bruno Le Roux dise « s’il y a oui ou non une majorité ». Semblant souffler le chaud et le froid, Manuel Valls avait glissé vendredi qu’« il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel » comme cet outil qui permet de faire adopter un texte sans vote (à condition d’échapper à une motion de censure), tout en réaffirmant sa « volonté de convaincre ».

La réunion des députés socialistes, en présence du Premier ministre, permettra mardi au gouvernement de reprendre la température, alors que Bruno Le Roux recensait encore lundi « 30 à 40 » voix manquantes pour une majorité. Juste avant cette réunion, une quinzaine de députés PS, dont des « frondeurs », doivent être reçus à Matignon. Déjà avant le pont de l’Ascension, certains au gouvernement jugeaient « certain » un recours au 49.3, car « l’article 2, le plus gros problème, arrive d’entrée ».

Cet article, qui n’a pas été abordé lundi, et sur lequel le rapporteur a proposé un nouveau « compromis », vise à donner la primauté à l’accord d’entreprise en matière de temps de travail. Il concentre plus d’un tiers des amendements et beaucoup de critiques à gauche, au-delà des « frondeurs », mais est au « coeur » du texte, selon Manuel Valls.

Un message « dévastateur » pour l’électorat socialiste

Entre socialistes, la tension est forte, avec des pressions, y compris sur les investitures aux législatives. La porte-parole du parti Corinne Narassiguin a dénoncé lundi soir la volonté des « frondeurs » de créer une « minorité de blocage » en s’alliant avec la droite, le sénateur Luc Carvounas prévenant que forcer au 49.3, utilisé trois fois pour la loi Macron en 2015, serait « un message dévastateur dans notre électorat ». Pour le chef de file des « frondeurs », Christian Paul, c’est l’exécutif qui prend « la responsabilité d’une fracture durable » s’il ne bouge pas.

Dans la rue, le prochain temps fort sera jeudi, avec une cinquième journée de mobilisation (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl, UNL). S’y ajoutent Nuit debout et une grève reconductible des routiers appelée par la CGT et FO, à partir du 16 mai. Dans Le Parisien de mardi, le numéro un de FO, Jean-Claude Mailly, demande l’organisation d’un référendum sur le projet gouvernemental.

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