Loi Sapin II: le gouvernement retire le dispositif de « transaction pénale »

Le gouvernement renonce à présenter le dispositif de « transaction pénale » dans son projet de loi sur la transparence de la vie économique, le Conseil d’Etat ayant retoqué cette proposition, a annoncé dimanche le ministre des Finances Michel Sapin dans le JDD.

Le projet de loi sur la transparence de la vie économique, également appelé projet de loi Sapin II, a pour objectif de lutter contre la corruption et doit être présenté en Conseil des ministres mercredi. Une de ses mesures phares est un dispositif dit de "convention de compensation d’intérêt public" (CCIP) ou de "transaction pénale".

Il doit permettre aux entreprises mises en cause dans des affaires de corruption de s’éviter une condamnation pénale en s’acquittant d’une amende – qui serait plafonnée à 30% de leur chiffre d’affaires moyen sur les trois dernières années, sur le modèle du "deferred prosecution agreement" (ou DPA) américain.

"Le Conseil d’Etat a relevé les nombreuses questions posées par cette innovation tout en soulignant sa réelle efficacité dans la lutte contre la corruption transnationale. Nous verrons si les parlementaires veulent s’emparer du sujet", a déclaré Michel Sapin dans le Journal du Dimanche. "Dans ces circonstances, le gouvernement, suivant l’avis du Conseil d’Etat, soumettra au Parlement un texte qui ne contient pas ce dispositif", annonce-t-il.

Dimanche soir, l’ONG Transparency International France – qui milite depuis des années pour l’introduction dans l’Hexagone d’un tel dispositif – a estimé que le nouveau projet de loi amendé "marque un recul sensible sur plusieurs points", dans une réaction à l’AFP. "Non seulement la transaction pénale disparait mais également le registre unique et obligatoire des lobbies qu’ils soient privés ou publics. Le chapitre sur la protection des lanceurs d’alerte est également très faible", selon l’organisation. "L’addition des conservatismes de tous ordres, celui d’une partie des magistrats et des juristes, celui d’une partie des ONG, de certains responsables politiques et conseillers ministériels, risque de vider de son caractère incisif et novateur une réforme pourtant très attendue et indispensable pour renforcer l’efficacité de la lutte contre la corruption dans notre pays", juge Transparency International France.

Jeudi, un collectif d’organisations – 14 organisations dont des ONG comme Oxfam France et des syndicats tels Solidaires Finances Publiques ou le Syndicat de la magistrature – avait en revanche appelé à la suppression de ce projet de dispositif. Ces organisations estimaient que la transaction pénale était "un pas vers une déresponsabilisation des personnes morales pour des faits de corruption et une impunité de fait, à contrecourant des initiatives internationales et nationales en cours".

La justice française, de fait, n’a prononcé aucune condamnation pour corruption d’agents publics étrangers au cours des quinze dernières années. Dans le même temps, une centaine de sanctions ont été prises aux États-Unis et près de 50 en Allemagne. Plusieurs groupes français ont ainsi dû s’acquitter d’amendes auprès de la justice américaine, à l’image de Total, d’Alcatel-Lucent ou bien d’Alstom, qui a accepté de payer 772 millions de dollars d’amende fin décembre pour des pots-de-vin présumés.

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