Les ksour de M’doukal, un patrimoine inestimable en quête de valorisation

Les ksour de M’doukal, baignant au milieu des palmiers à quelque 120 km au Sud de la capitale des Aurès, renvoient, en dépit des signes de vieillissement, à la magie singulière du mariage symbiotique entre la nature et l’œuvre de l’homme.

La cité qui fut pendant des siècles un carrefour des tribus de la région est "une mémoire matérialisée" dont la préservation nécessite une intervention urgente à même de mettre en valeur le potentiel historique, archéologique et touristique de cette ville, soutient-on, localement, presque en chœur.

La moitié des édifices de ces ksour a disparu et l’autre moitié risque de subir le même sort "dans moins de dix ans" si rien n’est entrepris pour remédier aux attaques pernicieuses du temps, selon une étude élaborée par l’architecte Brahim Ariouet, originaire de cette ville, affirme le président de l’Association pour la culture et le patrimoine archéologique "13 avril 1962", M. Djemaï Taïbi.

Hormis l’interdiction d’y ériger à nouveau des constructions, "concrètement, rien n’a été fait pour stopper la dégradation progressive de ce site archéologique dont des pans entiers continuent de s’écrouler de temps à autre, irrémédiablement", selon le président de l’APC de M’doukal, M. Messaoud Tourkmani.

"L’heure est maintenant à l’action", affirme cet élu qui évoque "une étude de réhabilitation qui aurait été pilotée par le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement et du Tourisme", après une étude similaire menée en 2000. "Or, dit-il, sur le terrain, rien n’a été accompli".

La ville a été habitée par les berbères à qui elle doit son nom M’doukal qui signifie "les amis". Les romains s’y installèrent également et la nommèrent Aqua viva (eau vive). L’empreinte des tribus arabes qui s’y établirent est constituée des ksour actuels bâtis entièrement en pisé et dont la structure, tout autant sobre qu’efficace, en fait un véritable musée un ciel ouvert.

La construction de M’doukel remonterait vers le quatrième siècle de l’hégire. Outre le pisé, les troncs de palmiers et leurs palmes ont constitué les principaux matériaux de construction tout comme c’est le cas à Sidi Okba, Laghouat et Médine, affirme M. Taïbi.

"Lorsque je flâne à travers les ruelles étroites et sinueuses des quartiers de cette cité à l’architecture typiquement arabo-islamique, et dont les constructions s’élèvent parfois sur trois niveaux et plus, j’imagine toute l’effervescence de la ville durant ses siècles de gloire", glisse-t-il, les yeux brillants, comme s’il était envoûté par la cité.

M’doukel, terre de célébrités

Cette demeure, dit-il en désignant du doigt une élégante bâtisse ocre, était celle d’Ahmed Ibn Salah Zouaoui qu’Essakhaoui cite parmi les plus illustres érudits du 9 ème siècle de l’hégire. Et dans cette autre maison, vivait, durant le 12ème siècle de l’Hégire, Mohamed El-Hadj Ibn Messaoud Ibn El-Mouhoub qui fut l’émir de la caravane du Hadj de toute l’Algérie.

Sur cette place appelée Sakifa, se rassemblaient, jadis, tous les futurs hadjis de l’Est du pays avant d’entamer leur longue marche vers les Lieux Saints de l’Islam.

M’doukal conserve encore les restes des quatre grandes portes qui y donnaient accès : El-Hamraya, En-Nader, Es-Sour et Er-Rahba, ainsi que ses sept sources d’eau qui alimentaient les systèmes d’irrigation très développés utilisés par les habitants successifs de la région. El-Mahbas, un vaste bassin de collecte de l’eau d’irrigation avant sa répartition, témoigne de ce développement des techniques hydrauliques.

La grande mosquée, construite vers le quatrième siècle de l’Hégire, a été le seul édifice à avoir connu plusieurs actions d’entretien, assorties de quelques transformations, excepté pour son minaret qui conserve son architecture initiale, affirme Ahmed Djebaïli, élu local, qui relève que les sièges des multiples zaouïas de M’doukal, dont celle, célèbre, de Sidi Abdelhafidh, ont aujourd’hui tous disparu.

Les inondations ravageuses de 1969 avaient dégradé la majorité des habitations de la cité pratiquement désertée par ses occupants qui s’étaient installés, en 1975, dans le nouveau village construit non loin des ksour.

En plus de ses vieux savants et érudits, M’doukal est aujourd’hui fière d’avoir enfanté un penseur de la renommé du Dr Ahmed Aroua dont l’ouvrage "L’islam à la croisée des chemins" a été traduit en 22 langues. Des lieux qui sont également le berceau de la star de la comédie algérienne contemporaine Othmane Ariouat, célèbre surtout pour ses premiers rô les dans "Carnaval fi dechra" et "Le clandestin".

Un festival de fantasia et du tourisme a été organisé à M’doukal en 2003 et 2004 pour attirer l’attention sur l’importance de cette cité qui avait abrité le 13 avril 1962 la première cérémonie nationale officielle de célébration du cessez-le-feu, organisée par le commandement de la Wilaya 6 historique, affirme M. Moussa Behloul, vice-président de l’APC de M’doukal qui relève que la protection de cette cité est une protection d’un pan inestimable du patrimoine national et, en même temps, un authentique joyau pour le tourisme national.

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