Les diplomates français face à la « déroutante » politique américaine

"Il n’y a plus personne", "on est en terre inconnue", "c’est la confusion"… six mois après l’arrivée au pouvoir de l’imprévisible Donald Trump, les diplomates français peinent à s’ajuster aux volte-face et signaux contradictoires émis par la nouvelle administration américaine.

La relation Trump-Macron est en train de s’esquisser -les deux présidents se croiseront au G20 de Hambourg et assisteront ensemble au défilé du 14 juillet à Paris. Mais l’exercice quotidien de la relation diplomatique franco-américaine s’avère totalement déconcertant, selon plusieurs témoignages.

Ils travaillent sur le Moyen-Orient, l’Afrique ou l’Europe, et pour nombre d’entre eux, même au plus haut niveau, n’ont plus d’interlocuteurs identifiés outre-atlantique. Au vénérable Département d’Etat, siège de la première diplomatie mondiale, à qui Donald Trump a promis des coupes budgétaires drastiques, plus d’une centaine de postes, dont ceux des directeurs de régions, n’ont toujours pas été pourvus.

"On attend tous que nos petits camarades de jeu soient nommés", sourit un haut diplomate. Difficile également de caler un rendez-vous avec le très discret secrétaire d’Etat Rex Tillerson. "Avant, on avait John Kerry", rappelle une autre source, soulignant que le prédécesseur de M. Tillerson, omniprésent sur la scène internationale, venait très régulièrement à Paris.

Cette absence d’interlocuteurs illustre un problème bien plus inquiétant, selon ces diplomates, qui s’interrogent depuis six mois sur les orientations de la politique étrangère du "plus vieil allié" de la France.

"C’est pas facile tous les jours", soupire l’un d’eux, avouant ne plus savoir à quel saint se vouer pour comprendre les processus décisionnels à Washington.

Car entre le tweet matinal de Donald Trump, les déclarations de son entourage et les signaux contradictoires émis par la Maison Blanche, le Pentagone ou le Département d’Etat, sur quoi s’appuyer pour comprendre la position américaine sur la crise dans le Golfe, les liens avec la Russie ou le rapport à l’OTAN ?

Avec qui travailler?

"Une situation pareille est inédite et sans précédent. Avec qui travailler ? C’est au jour le jour", souligne Alexandra de Hoop Scheffer, spécialiste des Etats-Unis et directrice du bureau parisien du German Marshall Fund.

"Faut-il lire les tweets, travailler avec des ministres comme James Matis (Défense), développer les relations avec les membres du Congrès américain? Au bout du compte, on fait de la multidiplomatie, on multiplie les canaux", explique-t-elle.

Avec, toujours, le risque d’une mauvaise surprise.

"Citons le coup de grâce qu’a été le discours du président américain fin mai à Bruxelles au sommet de l’OTAN, où pas une fois il n’a cité l’article 5 (engageant les pays de l’alliance à se porter mutuellement secours). Cela a été une véritable humiliation pour les diplomates et conseillers américains qui avaient affirmé à leurs partenaires européens que l’article 5 serait au coeur du message", raconte-t-elle.

Dans le flou généralisé, "il y a cependant deux constantes qu’on peut identifier: la réduction des dépenses et la lutte antiterrorisme", analyse un haut diplomate.

La logique financière a déjà des conséquences concrètes. Ainsi, les Etats-Unis ont rechigné à soutenir la force antijihadiste G5 Sahel poussée par la France. En Centrafrique, un engagement américain de débloquer 8 millions de dollars pour restructurer les Forces armées centrafricaines est attendu… depuis six mois.

Concernant la lutte antiterrorisme, "ça fonctionne", et la France, deuxième contributeur de la coalition antijihadiste, est de facto devenue le partenaire privilégié des Etats-Unis dans ce domaine. Même si quelques uns s’inquiètent de l’absence de vision à long terme pour l’Irak ou la Syrie. "C’est un peu: pour le moment, on fait la guerre, après on verra".

D’autres voient au contraire dans l’effacement américain une occasion pour la France de revenir dans le jeu, notamment au Moyen-Orient. "Il y a en ce moment une opportunité, il faut la saisir", confie une source gouvernementale.

"Il faut coopérer de manière pragmatique et opportuniste, et en ce sens l’invitation de Macron à Trump pour le 14 juillet est une excellente chose", estime Mme de Hoop Scheffer.

Mais là encore, sans garantie. Lors du G7 à Taormina, M. Macron s’était félicité de ses rencontres avec Donald Trump et avait estimé que les discussions sur le climat avaient donné lieu à "des progrès". Quatre jours plus tard, le président américain annonçait le retrait de l’accord de Paris.

Avec AFP

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