Les Franco-maghrébins entre républicanisme forcé et xénophobie persistante

Le trentième anniversaire de la célébration de la Marche des beurs a donné lieu à l’ouverture d’une grande réflexion sur le devenir de ces enfants d’immigrés sortis un jour taquiner le bitume français pour exprimer leurs doléances et exhiber leur malaise. On compara volontiers et avec un excès assumé cet événement dans ses conséquences aux césures provoquées par Mai 68 et dans son allure au mouvement américain des droits civiques
dans la force de ses revendications.

Aujourd’hui les réalités de l’immigration renvoient une image mitigée et presque grise. Ni le blanc flamboyant d’une intégration réussie, ni le noir déprimant d’un échec total. Aujourd’hui, les Français d’origine maghrébine font partie intégrante de la société française. Inscrits durablement dans le tissu associatif politique et industriel, ces enfants de l’immigration n’incarnent plus cette image de leurs parents, un pied dans l’usine ou le chantier et un autre dans le train retour vers un bled fantasmé au fil des ans.

Il est vrai qu’un usage quelque peu forcé des mécanismes de diversité a pu, à un moment, donner cette illusion que la machine française à intégration marche à plein régime, que le différentes composantes de la sociétés française soumises à une compétition naturelle, ont pu sécréter un tel résultat. Le cas est flagrant quand un président de la république, Nicolas Sarkozy en l’occurrence, à la recherche de coups pour frapper les imaginations et distinguer sa gouvernance, nomme des enfants de l’immigration à des postes ministériels exposés comme c’était le cas avec Rachida Dati à la Justice, Rama Yade aux Droits de l’homme ou Fadela Amara à la Ville.

Les plus pessimistes n’ont pas manqué de dénoncer une illusion d’optique. Ces icônes, un mélange de People et de posture artificielle donnent cette fausse impression que l’ascenseur social fonctionne à plein régime, alors que la vie réelle ne laisse entrevoir que panne, blocage et marginalisation. L’école sur laquelle les chantres de l’intégration avait parié, même si elle avait permis l’éclosion de certaines individualités, s’est révélée être un impitoyable filtre à fabriquer de la discrimination. Pour ceux qui ont la chance d’y rester, le système scolaire d’orientation a longtemps eu ce réflexe pavlovien de diriger les enfants de l’immigration vers les filières professionnelles jugées peu valorisantes pour les carrières et les destins. Une situation qui a forcément impacté le marche de travail.

Ceux qui tiennent absolument à voir la bouteille à moitié pleine affirment que les crimes racistes de l’ancienne période et leur lugubre cadence ont largement reculé aujourd’hui. Et que même si un tel acte est commis aujourd’hui, l’indignation nationale, nourrie par l’effet associatif et médiatique, permet de le dénoncer efficacement et d’exiger justice. Une effet dissuasif presque protecteur.

L’autre frange remarquera que même en l’absence d’actes éclatants, un racisme sournois, une xénophobie de moins en moins latente, sont à l’œuvre pour continuer à exercer sur ces générations d’enfants d’immigrés une pression supplémentaire et donc participer à nourrir leur mal être. Une des raisons les plus discutées sur le sujet ces dernières années est que le fait immigré comme "force économique" a été remplacé par l’ immigré porteur du "fait islamique", jugé dangereux pour les fondements de la république. Le musulman subversif s’est substitué dans l’Imaginaire du Français moyen à l’immigré presque inoffensif. Avec son lot d’exclusion et de discrimination.

Après avoir marqué leur présence dans le champ politique par une marche aux allures de scouts partant à la conquête de l’Everest, les enfants d’immigrés n’ont jamais à proprement parler quitté l’œil de cyclone politique. La radicalisation du discours politique s’est faite, la crise économique aidant, à leurs dépens. Depuis le lancement du débat sur l’identité nationale, une épée de Damoclès semble questionner leur identité et leur appartenance, de manière si persistante que de nombreux jeunes préfèrent aller tenter leur chance sous d’autres cieux, soit aux pays de leurs parents parfois comme la réalisation d’un rêve de retour inassouvi, soit dans des pays, généralement anglo-saxons où ni l’origine ni le faciès ne peuvent déterminer le succès d’une destinée.

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