Le projet d’accord de Brexit fait vaciller Theresa May

Ébranlée par des démissions de ministres en série, la Première ministre britannique Theresa May a tenté jeudi de convaincre les députés britanniques de soutenir le projet d’accord de divorce avec Bruxelles s’ils veulent voir le Brexit se concrétiser un jour.

"Le choix est clair: nous pouvons choisir de partir sans accord, risquer qu’il n’y ait pas de Brexit du tout ou choisir de nous unir et soutenir le meilleur accord que nous pouvions négocier, cet accord", a dit Mme May, défendant dans une ambiance survoltée le texte de près de 600 pages qui a provoqué la démission de plusieurs membres de son gouvernement.

Confrontée en outre à la demande d’un vote de défiance venu de son propre Part conservateur, la cheffe de gouvernement a annoncé une conférence de presse à 17H00 GMT à Downing Street.

C’est le député conservateur pro-Brexit Jacob Rees-Mogg, à la tête du puissant groupe parlementaire eurosceptique European Research Group (ERG), qui a lancé l’assaut sur Mme May, qu’il accuse d’avoir, avec son projet d’accord, trahi les promesses faites au peuple britannique.

L’appui de 48 députés, soit 15% du groupe conservateur aux Communes, est toutefois nécessaire pour organiser un tel vote.

Alors que mercredi soir, la Première ministre se targuait d’avoir obtenu le soutien de son cabinet, les démissions se sont multipliées jeudi avec le départ du ministre du Brexit Dominic Raab, de la secrétaire d’Etat du Brexit Suella Braverman, du secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord Shailesh Vara, et de la ministre du Travail Esther McVey, inquiets notamment du sort particulier réservé à la province britannique d’Irlande du Nord après le Brexit.

Ces démissions ont conforté les partisans d’une sortie sans accord avec l’UE dans le propre camp de Mme May, où son leadership est de plus en plus contesté.

Ils ont aussi ragaillardi les partisans d’un second référendum sur le Brexit, une idée qui séduit de plus en plus l’opinion mais à laquelle Theresa May s’oppose.

Le compromis prévoit un "filet de sécurité" ("backstop" en anglais), solution de dernier recours prévoyant le maintien de l’ensemble du Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE ainsi qu’un alignement réglementaire plus poussé pour l’Irlande du Nord, si aucun accord sur la future relation entre Bruxelles et Londres n’était conclu à l’issue d’une période de transition de 21 mois prévue après le Brexit, le 29 mars 2019, et prolongeable une fois.

Pour Dominic Raab, "le régime réglementaire proposé pour l’Irlande du Nord présente une menace très réelle pour l’intégrité du Royaume-Uni".

Mais Mme May a fait valoir qu’aucun accord avec Bruxelles ne serait possible sans cette assurance.

L’ex-chef du parti europhobe Ukip, Nigel Farage, grand artisan du Brexit, a salué la défection de M. Raab. "Bravo Dominic Raab, encore quelques autres (démissions) et nous serons débarrassés de cette hypocrite Première ministre", a-t-il tweeté.

La tâche s’annonce donc plus qu’ardue pour Theresa May, qui doit convaincre les parlementaires de voter le projet d’accord en décembre, une fois qu’il sera entériné lors d’un sommet européen le 25 novembre à Bruxelles.

Son allié, le petit parti unioniste nord-irlandais, dont les dix députés lui sont indispensables pour avoir une majorité absolue, a ouvertement exprimé son opposition.

Quant au Parti travailliste, il a laissé entendre qu’il ne voterait pas le texte. "Le parlement n’acceptera pas un faux choix entre ce mauvais accord et l’absence d’accord", a dit son dirigeant Jeremy Corbyn au parlement.

Le Brexiter conservateur Mark Francois a calculé qu’il était "mathématiquement impossible" de faire adopter le projet d’accord. Un autre Tory, Andrew Bridgen, a appelé Theresa May à démissionner "dans l’intérêt national".

La cacophonie régnant au Royaume-Uni, qui a fait chuter la livre sterling, contrastait avec la satisfaction affichée du côté de Bruxelles, le Parlement européen estimant que l’accord était "le meilleur" possible pour l’UE.

La chancelière allemande Angela Merkel s’est dite "très contente" qu’un accord ait été trouvé. Le Premier ministre français Édouard Philippe a jugé que le projet était "un grand pas" mais a relevé que des "inquiétudes" demeuraient sur son adoption finale.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a assuré que l’UE était prête pour un "accord final" avec le Royaume-Uni en novembre.

"Nous sommes aussi préparés pour un scénario d’absence d’accord. Mais évidemment, nous sommes le mieux préparés pour un scénario d’absence de Brexit", a-t-il ajouté avec un sourire.

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