Le plan d’Édouard Philippe pour protéger le « made in France »
Vendredi, le Premier ministre présente un renforcement du décret Montebourg visant à protéger les entreprises françaises des secteurs stratégiques.
Convaincre les investisseurs de « Choose France » et « en même temps » protéger le capital des entreprises tricolores que l’État stratège ne veut pas voir passer sous pavillon étranger, sur fond de mobilisation européenne : c’est ce nouvel équilibre macroniste que va porter le chef du gouvernement. « C’est totalement assumé : on est dans la logique du libérer, protéger », défend un conseiller gouvernemental. Le lieu n’est pas choisi au hasard : le géant suisse de l’alimentation Nestlé vient de décider de ne pas renouveler l’accord qui le liait depuis plus de 40 ans à L’Oréal. La fin d’un pacte, entraîné par la mort de la propriétaire de L’Oréal Liliane Bettencourt en septembre, qui ouvre théoriquement la porte à une OPA sur le champion français des cosmétiques.
Étendre le champ d’application du décret Montebourg
Peu après la disparition de la milliardaire, Édouard Philippe avait déjà assuré que l’État serait « très attentif » au devenir de L’Oréal, une des plus grandes entreprises françaises. « Nous n’hésiterons pas à monter au créneau en cas de menace d’OPA sur des champions français », et ce, « dans tous les secteurs », avait-il réitéré en novembre. Bruno Le Maire avait pourtant surpris début janvier en annonçant qu’il préparait un renforcement du décret Montebourg, du nom de l’ancien ministre socialiste. Aux secteurs déjà protégés par un décret de 2005 (défense, armement…), ce dernier avait ajouté l’eau, la santé, l’énergie, les transports et les télécommunications, juste après l’annonce du rachat de la branche énergie d’Alstom par l’américain General Electric en 2014.
Selon des sources gouvernementales, Édouard Philippe devrait l’étendre à nouveau : au stockage de données numériques et à l’intelligence artificielle, comme déjà annoncé par Bruno Le Maire, mais aussi les nanotechnologies (semi-conducteurs…), le spatial et les infrastructures financières. Des domaines limités mais transversaux, dont plusieurs grandes entreprises peuvent se prévaloir. L’exécutif entend aussi compléter l’arsenal de sanctions prévu par le dispositif Montebourg ; deux mesures existent déjà : l’annulation de l’opération, « l’arme atomique » du dispositif, et le versement d’une pénalité égale à une ou deux fois le montant de l’opération.
L’État bloqueur
S’y ajouteraient des sanctions financières plus variables, liées par exemple à la taille de l’acquéreur, ainsi qu’un dispositif permettant de suspendre les droits de vote de ce dernier sur l’entreprise visée, toujours dans les cas où il n’a pas tenu ses engagements. Pour améliorer le suivi de ces engagements, pour l’heure contrôlés par Bercy, un auditeur externe sera nommé pour vérifier la tenue des promesses, aux frais de l’acquéreur. L’autre grand volet concerne des dispositifs de blocage du capital des entreprises visées ; le gouvernement veut étendre la possibilité, prévue dans une ordonnance de 2014, de recourir aux « golden shares », ces « actions dorées » ou « spécifiques » permettant à l’État de bloquer des prises de participations ou des cessions d’actif.
L’exécutif veut aussi renforcer la possibilité pour l’État de prendre des « petits tickets » dans des entreprises, par exemple une participation de 5 % permettant de bloquer un retrait de cote dans le cadre d’une OPA. Les prises de participation seraient financées par un endettement de la banque publique BPI France. Les dispositions législatives de ce plan seront incluses dans le projet de loi Pacte, prévu pour arriver en conseil des ministres le 18 avril. Les autres mesures seraient adaptées parallèlement par décret. (afp)