Le Roi Mohammed VI et le pape François : deux leaders spirituels qui prônent les valeurs humaines pour faire face aux défis mondiaux

Abdellah Boussouf*
Secrétaire général du CCME

La visite du pape François au Royaume du Maroc les 30 et 31 mars, à l’invitation du Commandeur des croyants, SM le Roi Mohammed VI, est sans doute un moment historique et humain fort. Le monde a pu mesurer l’importance des éléments historiques et la symbolique religieuse et spirituelle qui ont marqué cet évènement planétaire. Le leadership spirituel et l’éloquence du Commandeur des croyants qui s’est adressé au monde en quatre langues à partir de l’esplanade de la Mosquée Hassan à Rabat, aux côtés du Souverain pontife, ont été au centre des analyses stratégiques des stations d’information les plus importantes à l’échelle internationale.

La forte symbolique de cette visite se reflète dans les moindre détails de son organisation, à commencer par le choix de l’esplanade de la Mosquée Hassan et du mausolée Mohammed V, jusqu’à la date choisie pour la visite, le mois de « Rajab » qui fait référence au premier dialogue des religions de l’histoire islamique quand une délégation du Prophète avait rencontré le Négus, Roi chrétien d’Abyssinie. La visite prend en effet toute son importance dans la rencontre du Commandeur des croyants avec le chef de l’Eglise catholique eu égard à ce qu’ils représentent comme influence religieuse et spirituelle et de leur capacité à promouvoir la diplomatie religieuse comme vecteur de dialogue dans les dossiers les plus brûlants de notre époque. En témoigne l’engouement médiatique sans précédent et le voyage de 75 journalistes à bord de l’avion pontifical sur un total de 317 journalistes accrédités.

Une visite officielle aux objectifs universels

La force des discours de SM le Roi et du pape consacrent la dimension universelle de cette visite. Les deux leaders spirituels se sont exprimés sur des dossiers communs, à savoir l’immigration, l’écologie, la liberté de conscience, le terrorisme, l’importance de renforcer les voies du dialogue interreligieux et du respect de l’autre, le respect de la différence, construire des sociétés basées sur le pluralisme et la solidarité qui reposent sur le critère de la citoyenneté et non sur les critères du genre, de l’ethnie ou de la religion.

Le choix de la date de la visite est également un facteur qui fait de cette rencontre une étape charnière dans l’appréhension et l’évaluation du dialogue interreligieux. L’arrivée du pape François au Maroc intervient après la signature de la déclaration sur « la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune » à Abu Dhabi en février 2019 qui a été précédée par la signature du Pacte mondial sur les migrations à Marrakech en décembre 2018 et par la conférence sur les minorités religieuses dans le monde musulman plus connue par la « déclaration de Marrakech » en 2016, mais également par la tenue de la COP 22 au Maroc en 2016, sans oublier de rappeler la visite historique du Pape Jean Paul II et sa rencontre avec Feu Hassan II en août 1986 à Casablanca.

D’autre part, cette visite intervient dans un contexte particulier qui a suivi les attentats terroristes qui prennent comme alibi la religion pour justifier l’horreur et la barbarie de leurs actes. Des crimes contre l’humanité qui sont aujourd’hui une cause directe de la montée de la haine, du racisme et de l’idéologie extrémiste, traduite dans des pays occidentaux par l’arrivée au pouvoir des courants extrémistes qui adoptent ouvertement des politiques racistes aux slogans nationalistes et souverainistes.

La dimension de la réforme, une cause commune du pape et du Commandeur des croyants

Dans un monde chaotique traversé par la haine et le désespoir, il est essentiel de tracer une nouvelle voie, celle de l’espoir, avec de nouveaux mécanismes et une nouvelle idéologie qui adopte les principes du juste-milieu, de l’acceptation de l’Autre, de l’éducation et de vivre ensemble.

Et puisque l’espoir ne serait qu’un slogan sans l’engagement des grandes institutions religieuses qui représentent une référence spirituelle dans les cœurs et les esprits, le Commandeur des Croyants et le Souverain pontife ont appelé lors de leur rencontre au dialogue, à la fraternité et à la tolérance. Un engagement de deux leaders religieux qui incarnent l’esprit de la réforme et du renouvellement du champ religieux et de la diplomatie religieuse, comme le monde peut en témoigner.

Les efforts du pape François dans la résolution d’importants dossiers au sein de l’Eglise catholique sont extrêmement remarquables, comme le mariage, le divorce, le remariage des divorcés, le mariage civil et catholique, le mariage homosexuel…, etc. Tout ceci n’a pas retenu le Souverain pontife de promouvoir la diplomatie religieuse et de placer cette dernière au centre de l’actualité mondiale en Syrie, à Cuba, au Venezuela et en Corée du Nord et du Sud, sans oublier l’ouverture sur le Vietnam et l’accord historique avec la Chine sur la nomination des évêques et la reconnaissance du pape en tant que chef de l’église chinoise en 2017.

En ce qui concerne les dossiers de l’immigration et de l’asile, le pape François a activement participé aux débats internationaux sur ces questions. Il a ainsi manifesté son refus de construire le mur de séparation entre les Etats-Unis et le Mexique, il a transporté dans l’avion pontifical 12 réfugiés syriens de l’île grecque de Lesbos. Il a également appuyé la mise en œuvre et la ratification du Pacte mondiale sur les migrations à Marrakech en décembre 2018 son soutien dans le dossier de l’écologie et des changements climatiques. Ce sont là quelques dossiers qui traduisent l’engagement du Souverain pontife, malgré l’opposition des courants conservateurs au sein même de l’Église catholique.

Cet engagement pour la réforme est l’un des points communs entre le Commandeur des croyants et le Souverain pontife, une dimension que SM le Roi Mohammed VI a tenu à renforcer dès son accession au trône, et ce dans différents domaines. Le champ religieux a suscité un intérêt particulier puisque le Roi du Maroc y a entrepris une réforme complète à commencer par le code de la famille, en passant par le Conseil supérieur des Oulémas et les Conseils régionaux des Oulémas et par la réglementation des fatwas, notamment l’émission d’une fatwa sur l’apostasie, et son appel à plus d’une occasion au rejet de la violence et du terrorisme, sans oublier l’attention personnelle accordée à plusieurs conférences internationales sur le dialogue des cultures et des religions, que ce soit à Fès ou à Marrakech lors de la Conférence sur les minorités religieuses dans les sociétés musulmanes.

Plus que tout cela, le Maroc a tenu dans la Constitution de 2011, sous les commandements de SM le Roi, d’interdire et de combattre toute forme de discrimination fondée sur la race, la couleur, la conscience, et de garantir à tous le libre exercice des cultes (article 3). En d’autres termes, le critère de la citoyenneté est le principal fondement des relations entre les institutions de l’Etat et les citoyens, réfutant ainsi la prise en considération du critère religieux ou de l’appartenance ethnique.

Et pour exprimer sa haute sollicitude pour la préservation de la liberté d’exercice des cultes à tous les croyants du royaume, SM le Roi a affirmé dans son discours du 30 mars devant le Souverain pontife et devant le monde entier qu’il se porte « garant du libre exercice des cultes. Nous sommes le Commandeur de tous les croyants… ».

La visite papale au Royaume du Maroc a été placée sous le signe de l’espoir. Il s’agit du même message porté par le Roi. L’Institut Mohammed VI de formation des imams, des morchidines et morchidates a été fondé dans cet esprit, afin de former les hommes de culte et les érudits du futur à l’islam du juste milieu basé sur le rite malékite et le soufisme asharite, qui s’érige contre toute forme d’extrémisme ou de violence. Au-delà des objectifs qu’il promeut, cet institut ouvert à des étudiants, venus d’Afrique et d’Europe, est devenu la référence d’un modèle ouvert et respectueux des valeurs de coexistence. Une institution emblématique que le pape a tenu à visiter et à connaître, affirmant dans son discours que la « préparation appropriée des futurs guides religieux est nécessaire, si nous voulons raviver le véritable sens religieux dans les cœurs des nouvelles générations ».

Ce qui rassemble le Commandeur des croyants, SM le Roi Mohammed VI et le Souverain pontife est donc un agenda humain commun et le partage des mêmes valeurs spirituelles actives pour le service du bien commun. Les deux leaders conviennent que le problème n’a jamais été la religion mais l’ignorance de ses enseignements et que l’objectif contre cette ignorance a un seul nom : l’éducation. Car « la religion est Lumière, Savoir, Sagesse… », comme l’a affirmé le Commandeur des croyants dans son discours d’accueil du pape François le 30 mars 2019.

* Historien, islamologue, Abdellah Boussouf est SG du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger

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