Le Petit Futé accusé en Algérie

Un journaliste du quotidien algérien El Watan accuse le guide Le Petit Futé de porter « une grave atteinte à l’image de l’Algérie » dans sa dernière édition. Et de citer à l’appui les nombreux clichés qui remplissent les quelque 500 pages de cet ouvrage. Du côté du Petit Futé, on dit ne pas comprendre ces reproches. Explications.

Le Petit Futé accusé en Algérie
"Féroce attaque contre la destination Algérie par Le Petit Futé." Dans son édition du 23 août dernier, le quotidien algérien El Watan publie un article virulent contre le guide de voyage. Le journaliste Mourad Kezzar estime que l’édition Algérie est une "agression contre un peuple et un pays". Et de citer des exemples à l’appui. Selon lui, l’auteure du guide, Marie-Hélène Martin, décrit son pays comme "le terreau de la frustration et de la jalousie, un peuple sensible uniquement aux ingérences étrangères, des hommes machos plus qu’ailleurs dans le monde, une jeunesse formée de crétins-frustrés, de pervers et de psychopathes, un quotidien sale, une hôtellerie archaïque et une milice à la solde de forces spéciales". Les termes sont violents.

Si certains passages du Petit Futé Algérie sont clairement réducteurs et caricaturaux, voire pire, le journaliste d’El Watan fait lui aussi quelques raccourcis. Ainsi, l’auteure du guide ne décrit pas l’Algérie comme "le terreau de la frustration et de la jalousie". S’adressant aux touristes féminines, elle écrit: "Amies, gardez à l’esprit que les ragots et les médisances naissent et prospèrent très rapidement dans le terreau de la frustration et de la jalousie." Ce n’est pas exactement la même chose. Idem quand Mourad Kezzar cite ce que l’on trouve à la page 105 du guide: "Le nouveau code de la famille présenté par Bouteflika en mars 2005 est loin d’être satisfaisant. L’idéologie islamiste a complètement assombri le regard des hommes sur les femmes." Dans le guide, plusieurs phrases séparent cette référence au code de la famille et l’allusion à l’idéologie islamiste ; l’auteure n’y suggère donc pas, du moins explicitement, une relation de cause à effet.

"Il est toujours normal pour un homme algérien de lever la main sur sa femme"

Reste que l’édition 2009-2010 du guide est bourrée de clichés et de propos relativement violents. Marie-Hélène Martin écrit par exemple "qu’il est toujours normal pour un homme algérien de lever la main sur sa femme, sa petite amie, sa fille…". Toujours à des "amies" touristes, l’auteure dit: "Les crétins frustrés ne s’abstiennent pas ici plus qu’ailleurs." Ou encore: "Gardez à l’esprit que vous représentez le pays vers lequel on rêve très fort de s’envoler pour un meilleur avenir… Sachez donc rester circonspecte devant toute tentative de séduction un peu incongrue."

Absence de papier toilette, d’eau, d’établissements de standing, etc… la caricature s’étoffe au fur et à mesure des pages et l’auteure, elle, semble y prendre plaisir, du moins dans l’écriture. Evoquant les grands hôtels gérés par l’Etat, elle écrit ainsi: "Ils ont malheureusement vieilli quand ils ne sont pas déjà agonisants (…) le personnel a pris de l’âge en même temps que les piscines se vidaient, que les jardins s’asséchaient, que la plomberie s’engorgeait de détritus divers ou que la moquette aux spirales psychédéliques pourrissait." Il est aisé de comprendre ce que ces propos ont de vexant pour le peuple algérien, surtout quand Marie-Hélène Martin conseille au lecteur de ne pas espérer trouver dans les hôtels privés "le confort qu’on s’est habitués à découvrir au Maroc voisin". La comparaison est pour le moins maladroite.

"Qui et pourquoi s’en prend-on au Petit Futé?"

De là à y voir, comme Mourad Kezzar, un ouvrage dont "l’essentiel est de nuire à la destination Algérie"… Du côté du Petit Futé, on dit ne pas comprendre la polémique. "Ce guide a plus de deux ans, c’est sa quatrième édition, il a été relu par nous et validé par le bureau de la censure des autorités algériennes… Je ne comprends pas bien pourquoi El-Watan fait cette polémique aujourd’hui?", s’interroge le directeur de la collection, Jean-Paul Labourdette, joint par Rue89 . Et d’ajouter: "Ça n’a rien de stigmatisant. Je ne vois pas pourquoi l’auteur n’aurait pas le droit d’écrire l’analyse qu’il fait de la société algérienne telle qu’il l’a ressentie."

En guise de stratégie de défense, le directeur de la collection entend d’ailleurs déplacer le débat: "Qui et pourquoi s’en prend-on au Petit Futé?" Interrogé par Parismatch.com , le responsable de la communication du Petit Futé, Jean-Mary Marchal, croit avoir trouvé un début de réponse. Selon lui, il faudrait chercher du côté du journaliste d’El Watan, qui aurait été consulté pour un article paru dans le guide. En plus de son travail de journaliste, Mourad Kezzar serait par ailleurs un entrepreneur de tourisme, dont l’agence est citée dans les bonnes adresses du guide. Les fils de cette affaire ne semblent pas si simples à démêler…

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