Le PJD attaque frontalement le pouvoir royal

Ce que l’on pressentait il y a quelques jours avec la publication d’une dépêche MAP évoquant l’éventualité d’une dérive populiste de Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement, est aujourd’hui confirmé par la sévérité des jugements et critiques portés par l’un des caciques du PJD, Abdelali Hamieddine, contre le pouvoir royal à l’occasion des assises de la Jeunesse du PJD à Tanger.

Ce dirigeant du parti islamiste, qui n’a pas à prendre de gants puisqu’il ne siège pas au gouvernement, a développé toute une série d’arguments excipant de l’inconstitutionnalité d’initiatives royales récentes, notamment celle de la convocation de ministres et hauts fonctionnaires par le Souverain pour la sanction des comportements délictueux de certains fonctionnaires de la police, la gendarmerie ou la douane qui rackettaient nos compatriotes résidant à l’étranger à l’occasion de leur passage aux postes frontières.

Mais Hamieddine ne s’est guère arrêté en si bon chemin et a également fortement stigmatisé la cérémonie de la beïaa, relevant son caractère anachronique du fait de l’adoption d’une nouvelle Constitution avant d’encenser le Mouvement du 20 février et d’appeler à la poursuite du «Printemps arabe».
Cette sortie, complaisamment médiatisée par plusieurs confrères de la presse, a été précédée de la tenue, en fin de semaine dernière, d’un «colloque» organisé par le MUR et la revue salafiste Al Bayan à Rabat, en présence de plusieurs figures de la salafiya locale, mais aussi de représentants de la confrérie des Frères musulmans venus d’Arabie saoudite et du Koweit. Une promiscuité qui n’a guère semblé déranger le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Mustapha Khalfi, qui a participé, intuitu personae, à cette manifestation.

Un colloque très particulier d’ailleurs où l’on a pu entendre de fieffés réactionnaires arabes critiquer le PJD en lui reprochant sa «mollesse» face aux laïcs, en lui recommandant de marquer plus fortement son leadership gouvernemental, notamment dans le domaine sociétal et les moeurs. Cette rencontre a également été l’occasion pour des dirigeants du MUR de critiquer vertement la Moudouwana et de réclamer l’abrogation des dispositions qui garantissent aux Femmes marocaines certains droits allant dans le sens de l’égalité des genres.

Visiblement donc, alors que le chef du gouvernement brille par son absence, (pour cause de pèlerinage à La Mecque à l’invitation des autorités saoudiennes), l’aile dure du PJD a décidé de porter l’assaut contre l’institution royale, faisant feu de tout bois, et notamment en prônant la réactivation du M20, alors que le parti islamiste l’avait lâché sans complexe, ni états d’âme au printemps 2011.

A l’origine de cette offensive qui annonce sans nul doute une rentrée chaude et animée sur le terrain politique, l’absence de résultats probants du gouvernement sous leadership PJD. L’opinion publique, en effet, a déjà pris la mesure de l’inaction de l’équipe Benkirane, son manque d’appétence pour les problématiques économiques, sa très faible productivité sur le plan social et l’oubli total des promesses faites lors de la campagne électorale des législatives de novembre 2011.
Pire, nos concitoyens, qui ont déjà subi la hausse des prix des hydrocarbures, avec leurs effets sur leur pouvoir d’achat, sont empreints de pessimisme pour l’avenir, comme le prouve une récente étude du HCP sur le moral des ménages nationaux.

Et si l’on rajoute à cela les annonces d’une nouvelle catastrophe alimentaire mondiale avec la hausse incontrôlable des prix du blé, maïs et autre orge, des cours erratiques du pétrole et de l’acuité de la crise qui sévit dans l’Europe voisine, il ne fait pas de doute que l’avenir de notre économie, de nos finances publiques et du quotidien des Marocains s’annonce particulièrement délicat.

Les dirigeants du PJD savent cela encore mieux que les analystes de presse et leur discours populiste, leurs attaques contre le socle institutionnel royal n’ont d’autre objectif que de détourner l’attention de l’opinion publique des vrais problèmes que vit le pays et de leur incapacité crasse à les résoudre.
En voulant accréditer l’idée d’une légitimité électorale supérieure à la légitimité royale, en déniant au chef de l’État les compétences et les pouvoirs que la Constitution lui reconnaît, en suggérant l’idée d’un partage égal des responsabilités entre le Roi et le chef du gouvernement, les «durs» du PJD s’engagent sur un terrain particulièrement glissant.

Ils fragilisent ainsi la position de leur chef, Abdelilah Benkirane qui sera sans doute comptable de leurs excès oratoires. Ils provoquent directement les cercles et milieux qui leurs sont hostiles et qui ne sont pas dépourvus de moyens variés et puissants pour les contrer. Ils incitent objectivement les autres forces politiques à s’éloigner de leurs outrances, personne ne voulant, ni au sein des gouvernement, ni à l’extérieur, s’engager dans une telle galère car, à chaque fois dans le passé, cela s’est traduit par le naufrage politique de ceux qui ont voulu déstabiliser l’institution monarchique…

Et, enfin, ils apportent la preuve de leur incompétence en tant que force principale d’une coalition gouvernementale, laquelle n’est pas aussi solide et soudée que certains voudraient le faire croire… Ainsi, avec ou sans Benkirane, le PJD est en train de montrer que sa place n’est ailleurs que dans l’opposition !

Fahd YATA

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