La visite de courtoisie de Macron en Algérie

Par Mustapha Tossa

Ce qui devait être selon le ministre des Affaires étrangères français, Jean Yves Le Drian, « une visite d’Etat » se transforma au fil des jours en une « visite de travail et d’amitié » de quelques heures. C’est celle que le président Emmanuel Macron s’apprête à effectuer en Algérie le 6 décembre. Et comme pour anticiper les critiques de cette « dégradation », les conseillers de l’Elysée s’échinent à convaincre que c’est toute une séquence franco-algérienne qui s’est ouverte cette semaine avec le déplacement présidentiel, suivi immédiatement par la tenue à Paris de la haute commission mixte dirigée par les deux Premiers ministres des deux pays. Une manière de signifier que la brièveté du séjour ne reflète aucunement le désintérêt français face à une telle visite.

Emmanuel Macron arrive en Algérie dans une atmosphère politique de fin de règne. D’abord la presse algérienne, qui souvent reflète l’humeur des dirigeants algériens, lui a déjà fait le reproche d’avoir trop tardé avant de prendre la direction d’Alger, d’avoir d’abord fait le tour du monde et rencontré les dirigeants qui comptent dans la région avant de se souvenir qu’il y a un pays qui s’appelle l’Algérie. Ce reproche est à la hauteur des attentes suscitées par l’arrivée de E. Macron à l’Elysée. La littérature officielle algérienne félicitait à l’époque « notre distingué ami ». N’était-Il pas venu, en ambitieux candidat, annoncé une déflagration inédite dans les rapports franco-algériens en qualifiant pour la première fois la colonisation de « crime contre l’humanité » ?

Cette brève visite d’Emmanuel Macron en Algérie a été séquencée en trois phases. D’abord le symbolique et le mémoriel. E.Macron a prévu de se livrer à ce que l’Elysée a appelé « une déambulation », c’est à dire une promenade avec son épouse Brigitte, aux allures de sortie improvisée bien que lourdement et légitimement encadrée. Une visite à certains lieux de la capitale qui portent une charge symbolique. Un bain de foule n’est pas exclu et un dialogue avec des jeunes et des personnalités de la société civile est à prévoir avec son lot de selfies et de photos personnalisées, devenues pour l’équipe Macron un vecteur de communication incontournable. Sur le Mémoriel, l’Elysée a laissé entendre qu’Emmanuel Macron pourrait faire d’intéressantes annonces ou se livrer à des gestes symboliques susceptibles de servir sa stratégie de « dépassionner » la relation France Algérie. Mais comme l’homme qui a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » a déjà anticipé ces interpellations en affirmant à l’issue de sa tournée africaine qu’il n’y aura « ni déni ni repentance », le plafond de ses probables sorties algériennes sur le sujet a été revu à la baisse.

La seconde séquence est une séquence économique. La France, dit l’Elysée, est consciente du besoin des Algériens de diversifier leurs revenus maintenant que la facture énergétique est plombée par un prix bas du baril du pétrole. Et Emmanuel Macron voudrait aider l’Algérie à opérer ce tournant dans les orientations de son économie en en encourageant les investisseurs français à s’impliquer davantage dans le tissu économique algérien. Mais par une forme de pudeur politique, les Français s’interdisent de pointer les graves défaillances structurelles de l’environnement économique algérien et sa tendance à faire peur à tous les capitaux susceptibles de s’intéresser aux marchés algériens autres que par les biais de l’exportation/consommation.

Le troisième volet est politique et sécuritaire. Il est vrai que la parole officielle des deux pays laisse entendre une entente parfaite dans la nécessaire guerre contre le terrorisme. Paris rappelle volontiers son expérience acquise lors de la décennie noire dans la lutte contre le radicalisme et le démantèlement des cellules terroristes. Mais là s’arrête la stratégie des compliments imposés. Dès qu’il s’agit de la guerre contre le terrorisme au Sahel, Paris est moins lyrique, moins enthousiaste à louer les efforts algériens. Au point de s’interroger si les deux pays tirent dans la même direction et ciblent le même ennemi. Commentant le déplacement d’Emmanuel Macron en Algérie, l’Elysée a eu cette phrase qui en dit long sur les possibles frustrations françaises.

Sur le Sahel « Il est vrai que la France souhaite aller plus loin… », avance l’entourage du président. Une manière bien diplomatique de dire qu’un long chemin attend les deux pays avant d’atteindre une totale convergence d’approche et d’intérêt sur la sulfureuse problématique de lutte contre les groupes terroristes qui déstabilisent le Sahel.

Au cours de sa visite à Alger, Emmanuel Macron rencontrera le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Il est fort à parier que la photo entre les deux hommes ne laissera personne indifférent. C’est la rencontre d’un jeune et dynamique président d’une vieille nation, la France, avec un vieux président, handicapé par la maladie d’un jeune pays, l’Algérie, assoiffé de changement. La symbolique deviendra radioactive lorsqu’Emmanuel Macron découvrira à l’insu de son plein gré que l’homme en face de lui est en train de « s’activer » pour rempiler pour un cinquième mandat.

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