La prise d’otages illustre les faiblesses du système algérien

La prise d
Frappée au coeur de son économie, prise en défaut sécuritairement, entraînée contre son gré dans la guerre au Mali: l’Algérie, tout en ripostant sans merci aux preneurs d’otages, se retrouve dans une position délicate, estiment plusieurs experts.

En décidant d’attaquer, au prix d’un bain de sang, les ravisseurs islamistes sur le site de Tinguentourine, l’Algérie a certes envoyé un message de fermeté extrême, réaffirmant que la lutte anti-terroriste ne souffrait aucun compromis. Mais quel que soit son dénouement, la prise d’otages revendiquée par le groupe de Mokhtar Bel Mokhtar, jihadiste algérien et ennemi mortel d’Alger, "est un grand coup, car elle met en exergue les failles du système algérien", souligne la chercheuse et enseignante à Sciences Po Khadija Mohsen-Finan.

L’Algérie "se présentait comme l’élément fort dans la région au niveau du renseignement, du combat contre l’islamisme et de la maîtrise des territoires", souligne-t-elle. Or en lançant une attaque de cette ampleur, dans une zone censée être ultra sécurisée, Mokhtar Bel Mokhtar "montre qu’il a des troupes, une force de frappe, et que le jihadisme est un acteur avec qui il faut compter dans la région", ajoute-t-elle.

"L’attentat de In Amenas prouve que la politique sécuritaire algérienne est défaillante. Notre pays n’a pas été capable de protéger ses frontières", souligne le politologue algérien Salah Mouhoubi dans une interview à Algérie News vendredi.

Cette attaque met en outre Alger en porte à faux avec certains de ses partenaires occidentaux, inquiets de la riposte de l’armée aux assaillants qui ont pris mercredi en otage des centaines de personnes, dont des dizaines d’étrangers, sur le site gazier de Tinguentourine.

Le plus virulent a été le gouvernement japonais, qui a convoqué vendredi l’ambassadeur d’Algérie à Tokyo pour protester contre l’intervention de l’armée algérienne. Plus ou moins mezzo voce, Londres et Washington, qui ont également des ressortissants impliqués, ont regretté jeudi de ne pas avoir été informés de l’assaut lancé contre le site.

Mais la France, en première ligne dans la guerre au Mali, et à qui Alger a autorisé le survol de son territoire pour ses avions de chasse, s’est montrée elle compréhensive, soulignant "la complexité" de la situation.

Autre aspect crucial: la nature industrielle du site visé. Tinguentourine, complexe gazier exploité par le géant britannique BP, le norvégien Statoil et l’Algérien Sonatrach, représente 12% de la production gazière et 18% des exportations algériennes.

Pour le journal de Libération de samedi ,l’impréparation des autorités comme la décision précipitée de mener l’assaut, mais surtout la facilité avec laquelle les preneurs d’otages se sont emparés du site, suscitent pour le moins une certaine perplexité. «De telles installations gazières devraient être sécurisées et il est étrange que les jihadistes aient pu agir sans être repérés dans une zone découverte plate comme une table de billard», explique Jean-François Daguzan, soulignant toutefois que de telles dysfonctions peuvent relever de l’incompétence d’un système sécuritaire algérien rongé par la corruption. Un avis partagé par de nombreux experts. Mais la guerre civile des années 90 a aussi montré les capacités de la sécurité militaire à infiltrer et manipuler les jihadistes. Les théories du complot fleurissent donc à nouveau, d’autant que cette attaque survient quelques jours à peine après la volte-face d’Alger. Longtemps hostile à toute intervention étrangère – et a fortiori française – au Mali, le régime a finalement ouvert son espace aérien, suscitant la surprise, voire l’indignation d’une population qui l’a appris d’abord par Paris. Une telle opération nécessite des semaines de préparation. Mais ce nouveau contexte a pu pousser le groupe jihadiste à précipiter l’attaque présentée comme «une réaction à l’ingérence flagrante de l’Algérie autorisant l’usage de son espace aérien par l’aviation française».

Alors que plusieurs capitales, Londres notamment, ont exprimé des critiques sur le manque de communication des autorités algériennes pendant les opérations, l’Elysée assure au contraire que les relations sont «tout à fait bonnes» entre les deux pays.

Jeudi, alors que la confusion la plus totale régnait sur le déroulement des opérations, François Hollande a eu l’occasion à deux reprises de rappeler son soutien à Alger. D’abord lors d’une conférence de presse pour la visite du Premier ministre du Portugal, Pedro Passos Coelho : «Je suis en contact avec les autorités algériennes. Je leur fais toute confiance pour trouver les solutions les meilleures pour mettre un terme à cette prise d’otages», a déclaré le chef de l’Etat. Puis, quelques heures plus tard, pour la cérémonie des vœux aux «acteurs de l’entreprise et de l’emploi», il a redit qu’il était informé «régulièrement» par Alger. C’est entendu : on ne fera pas dire au gouvernement français la moindre critique sur le pouvoir algérien. L’Elysée, au contraire, insiste sur l’intensité des relations entre les deux pays, à tous les niveaux.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite