La polémique sur le halal est-elle dépassée ?

Le marché halal s’est diversifié depuis une dizaine d’années et sa visibilité s’est accrue considérablement dans les hypermarchés des villes de France.

L’offre de viande halal n’est pourtant pas nouvelle, elle existe depuis les premières boucheries orientales ouvertes dans les années 70 par les immigrés empêchés par une loi sur l’abattage de sacrifier eux-mêmes agneaux et moutons destinés à leur consommation.

Depuis le début des années 90, industrie d’abattage et grande distribution rongent leurs freins pour s’engager dans le développement d’un marché de plus de 6 millions d’habitants qui se reconnaissent un lien culturel ou religieux avec l’islam.

La politisation de l’islam, c’est-à-dire le fait de déceler derrière toute action destinée à favoriser la pratique du culte musulman à une menace pour la cohésion nationale et le modèle républicain français, avait jusqu’au début des années 2000 freiné les initiatives les plus visibles du développement du halal et en particulier sa présence dans les hypermarchés. Mais elle n’a pas empêché les grands groupes de développer des gammes d’aliments compatibles ou certifiés halal, vendus pour la plupart dans les boucheries-épiceries islamiques de France. Le marché halal constitue aujourd’hui une réalité commerciale française solidement assise, favorisée par la compétition internationale, l’ouverture des frontières aux biens de consommation sur le marché européen, l’accélération des échanges mondiaux de produits alimentaires favorisés par les nouvelles technologies.

Depuis quelques années, la grande distribution essaie d’habituer ses consommateurs aux produits halal, en procédant à une «ethnicisation» de ces produits afin de minimiser leur caractère religieux et d’éviter l’instrumentalisation politique du religieux auprès des non-musulmans, tout en essayant de conserver sa crédibilité auprès des musulmans les plus vigilants sur la certification religieuse. La fête de l’Aïd-el-Kebir ou la période de jeûne du mois de Ramadan constituent des opportunités idéales pour tenter de satisfaire ces exigences contradictoires en mettant en évidence le caractère festif et ponctuel de l’offre tout en habituant les consommateurs à la présence du halal. Malgré l’absence de transparence du marché de la certification, la stratégie a relativement bien fonctionné comme l’a montré l’organisation par les grandes marques de distributeurs de salons des produits halal organisés chaque année porte de Versailles.

Comment alors comprendre l’émoi suscité par l’affaire du Quick de Roubaix et des sept autres 100% halal ? Il semble figurer une de ces répliques sismiques du jeu politique, après le débat sur l’identité nationale, la burqa, le hijab de la candidate du NPA. Le Quick de Roubaix est halal depuis novembre 2009 et plusieurs sites communautaires en avaient signalé l’existence. Le maire socialiste de Roubaix, René Vandierendonck, menaçait de saisir la haute autorité de lutte contre les discriminations plus de deux mois après l’ouverture d’une enseigne dont le gérant est conseiller UMP, et ceci quelques semaines avant les élections régionales. Sur le fond, la plainte ne porte pas sur l’offre halal mais sur la substitution d’une offre conventionnelle par une offre exclusivement halal, c’est-à-dire la suppression de viande de porc, et le remplacement des viandes par des viandes certifiées halal de poulet et de bœuf. En quoi le Quick de Roubaix diffère-t-il sur ce point des milliers de boucheries casher et islamiques de France ? La tactique politique du maire semble largement contre-productive car en théorie l’argument fondé sur la discrimination obligerait plutôt Quick à rééquilibrer le nombre de ses enseignes en faveur des musulmans, les 8 Quick halal sur 362 représentant une proportion très en dessous du pourcentage de population culturellement ou religieusement proche de l’Islam en France. C’est d’ailleurs ce que le président du CFCM (Conseil français du culte musulman), Mohammed Moussaoui, n’a pas manqué de remarquer.

La polémique autour du Quick de Roubaix est symptomatique d’une tendance à ériger l’islam en contre-modèle de l’idéal républicain, tendance qui affecte marginalement tous les courants politiques, même s’il continue de peser plus lourd à l’extrême droite. Cette vision apparaît de plus en plus décalée avec la société française d’aujourd’hui qui dans ses composantes économique et sociologique a parfaitement intégré le fait musulman, c’est pourquoi ces fausses polémiques se succèdent impuissantes à mobiliser et sans réelle prise sur les consciences.

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