La pédophilie et le silence de l’Eglise en procès à Orléans: la justice veut créer un « électrochoc »

Le procureur d’Orléans a voulu créer un « électrochoc » en requérant mardi soir devant le tribunal correctionnel des peines de prison ferme contre l’abbé Pierre de Castelet, accusé d’atteintes sexuelles sur mineurs en 1993, et l’ancien évêque d’Orléans, Mgr André Fort, pour non-dénonciation.

Contre Mgr Fort, 83 ans, absent à l’audience pour raisons médicales, selon son avocat, le procureur Nicolas Bessone a requis un an ferme avec mandat d’arrêt.

Trois ans, dont six mois avec sursis, ont été requis contre l’abbé Pierre de Castelet, 69 ans, qui comparaît pour des attouchements sur mineurs de 15 ans, de jeunes garçons, lors d’un camp organisé par le Mouvement eucharistique des jeunes pendant l’été 1993.

"Ce jugement doit être un électrochoc", a affirmé le procureur au moment des réquisitions.

Evêque d’Orléans de 2002 à 2010, Mgr Fort n’avait pas informé la justice lorsqu’une des trois parties civiles, Olivier Savignac, lui avait adressé en 2008 une lettre faisant état de ces attouchements de la part de l’abbé de Castelet.

Le prélat s’était contenté d’éloigner le prêtre de tout contact avec les jeunes. Ce n’est qu’après l’arrivée du nouvel évêque, Mgr Jacques Blaquart, que la justice sera saisie. L’abbé de Castelet a été mis en examen en 2012 pour agressions sexuelles et Mgr Fort en 2017 pour ne pas avoir dénoncé ces actes.

Lors de l’audience, le prêtre, crâne dégarni, lunettes fines et regard droit, drapé dans un imperméable noir, s’est efforcé à la barre de convaincre le tribunal qu’il s’était agi durant cet été 1993 d’un "phénomène isolé", d’un "dérapage".

Il a reconnu avoir procédé à de "faux examens médicaux", en se faisant passer pour infirmier ou médecin, auprès de jeunes garçons convoqués pour une visite médicale peu après leur arrivée dans le camp de vacances qu’il dirigeait. Il a assuré avoir agi ainsi "pour (se) rapprocher d’eux". "J’étais demandeur d’affection", a-t-il plaidé, sans manifester la moindre contrition.

Quinze ans plus tard, en 2008, Olivier Savignac, l’un des participants, décidait d’adresser une lettre à l’évêché dans laquelle il affirmait avoir été victime d’attouchements de la part de l’abbé.

"Cette affaire a eu un impact immédiat. Mon enfance s’est arrêtée", a déclaré devant le tribunal M. Savignac aujourd’hui père de famille, regrettant que l’abbé de Castelet n’ait pas eu un mot pour les victimes. Ce qui s’est passé, c’était un "abus spirituel", a-t-il estimé, soulignant avoir depuis "toujours gardé une méfiance vis-à-vis de l’Eglise".

Dans son témoignage lu à l’audience en son absence, "Mgr Fort fait de la compassion, il se la joue", a estimé le trentenaire, racontant avoir dû suivre plusieurs années de psychothérapie après les faits. "Il faut que ces personnes assument", a-t-il lancé à propos des deux prévenus, avant d’ajouter: "Je dis merci à la justice. La reconnaissance pour nous, ça fait un bien fou".

En saisissant la justice, Mgr Blaquart a mis un terme à "une gestion interne" de ces faits au sein de l’Église, laquelle "fait peser sur les épaules des victimes le secret de leurs propres souffrances", faisait valoir avant l’audience Me Edmond-Claude Fréty, défenseur des victimes.

Le renvoi d’un évêque devant la justice est exceptionnel. Lors d’un précédent procès en 2001, l’évêque de Bayeux, Mgr Pierre Pican, avait été condamné à 3 mois de prison avec sursis pour non dénonciation d’actes pédophiles.

Ce procès intervient à quelques jours de la Conférence des évêques de France (CEF) à Lourdes où sera abordée la douloureuse question des abus sexuels dans l’Église. M. Savignac a indiqué, lors de l’audience, qu’il sera samedi prochain à Lourdes.

L’affaire a été mise en délibéré au 22 novembre.

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