La guerre de la présidentielle aura bien lieu en Algérie

À lire les commentaires de la presse internationale sur les pays du Maghreb, la tonalité oscille entre extase sur les miracles du modèle tunisien et inquiétude sur les évolutions algériennes. L’explosive sortie d’Amar Saâdani, l’actuel secrétaire général du FLN, contre le puissant général Toufik, patron de la non moins tentaculaire et redoutable Département des Renseignements et de Sécurité (DRS), en dit long sur la violence du choc des clans dont l’Algérie va être le théâtre lors de l’élection présidentielle, prévue en avril 2014.

En fait, la grande complication du jeu politique algérien provient du fait que malgré la détérioration visible de sa santé, le président sortant Abdelaziz Bouteflika tient absolument à se représenter pour un quatrième mandat. Au fil des débats et des polémiques ponctués par de longs séjours médicaux et des séquences de constructions d’une posture présidentielle dite "normale", le clan Bouteflika, c’est ainsi en tout cas que ses détracteurs algériens l’appellent, a transformé la démarche de l’actuel locataire du Palais Al Mouradia, non pas comme un projet d’un homme qui se sent encore la force et le besoin de terminer son projet politique pour l’Algérie, mais comme une manière de se protéger, lui et les siens, des foudres de la justice et de l’interrogation sur fond de grands scandales de corruption et de passe droit qui ont émaillé ses trois longs mandats.

La sortie inédite d’Amar Saâdani et son appel à la démission du général Toufik ne cessent d’interpeller et de susciter des interrogations. De nombreuses explications ont été avancées dont celle liée à la volonté de la présidence de se défaire de la tutelle trop pesante des services de sécurité. Mais cette raison paraît trop candide dans un pays dont l’ensemble du sérail est quadrillé, à la manière soviétique, par les services de sécurité.

Le journal. Al Watan suggère une lecture qui ne manque pas de pertinence: "Visiblement sonnés par le fait de voir s’éloigner l’option tant défendue d’un 4e mandat, Amar Saâdani et ceux, comme lui, qui travaillent depuis des mois dans ce sens semblent ainsi perdre leur sang-froid. Si le président Bouteflika capitule, cela acterait la fin politique de tous ceux qui font la promotion, avec zèle et insistance, de son maintien au pouvoir." Conséquence directe d’une telle situation, les sulfureuses affaires de corruptions qui minent le système algérien ne resteront pas longtemps sous la moquette.

Alors que de nombreuses voix de l’opposition lui demandent de passer le témoin, les uns avec une respectueuse délicatesse, les autres avec une violente discourtoisie, Abdelaziz Bouteflika maintient le suspense absolu sur ses intentions. Il a jusqu’au 4 mars pour les dévoiler. Mais en attendant, un grand jeu de massacre politique a publiquement débuté entre la présidence et une partie des puissants services algériens. Amar Saadani a lancé la première charge. Le spectre politique algérien attend avec curiosité et angoisse la réponse de " l’offensé".

Tous ceux qui ont eu à brosser le portrait en ombres chinoises du redouté général Mohamed Medienne, plus connu sous le sobriquet intimiste deToufik, le décrivent comme un homme secret qui cultive une discrétion qui frise la paranoïa. Et c’est précisément pour cette raison que la classe politique algérienne s’attend à ce que sa réponse soit coulée dans le même moule. Pas d’attaques frontales mais des réseaux à l’œuvre pour affaiblir l’adversaire et préparer le glacial plat de la vengeance.

Les familiers du cénacle algérien se posent toujours cette interrogation: Etait-elle calculée cette prise de risque de la part de la présidence quitte à se mettre à dos le puissant patron du DRS et ses services, connus pour la roublardise de leurs manœuvres et leurs grandes capacités de nuisance comme l’a montré avec une rageuse nudité le réquisitoire de Amar Saâdani contre le général Toufik? Cette situation autorise tous les scénarios, y compris le retour d’étincelles armées entre réseaux antagonistes. La prise de pouvoir présidentiel à Alger commence à ressembler non pas à une course électorale classique mais à une bataille rangée entre ceux qui veulent perdurer les systèmes des rentes qui nourrissent tous les baronnies et ceux qui veulent le réformer, au moins en apparence, et le mettre au goût du jour.

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