La finance privée poussée à s’engager pour le climat

La conférence mondiale sur le climat a donné vendredi une place inédite aux acteurs de la finance privée, appelés à contribuer à la transition vers un monde bas carbone, après avoir été souvent critiqués par les défenseurs de l’environnement.

Banquiers, assureurs et fonds de pension ont mis en avant les progrès accomplis depuis le sommet de l’ONU sur le climat à New York, en septembre 2014, où Ban-Ki moon les avait mobilisés pour la première fois.

Lancée à l’époque, une coalition pour réduire l’empreinte carbone des portefeuilles financiers a assuré vendredi qu’elle allait "décarboner" 600 milliards d’actifs, au lieu des 100 prévus initialement.

Ses 23 membres doivent donc donner la préférence aux actions d’entreprises aux émissions de CO2 limitées pour composer leurs portefeuilles et se débarrasser de celles liées aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz).

Plusieurs acteurs de la finance et de l’assurance ont rejoint cette coalition ces dernières semaines comme la Caisse des dépôts française ou ABP, le premier fonds de pension néerlandais, qui d’ici à 2020, souhaite réduire de 25% l’empreinte carbone de ses actifs qui représentent au total 100 milliards de dollars.

Le groupe français Crédit Agricole promet quant à lui 60 milliards d’investissements dans la lutte contre le réchauffement climatique et veut doubler ses financements dans les énergies renouvelables.

Le secteur privé "a pris conscience des nécessités de réorienter une partie de ses investissements", vers des projets bas carbone, s’est réjoui le ministre français des Finances Michel Sapin.

En pleine COP21, banques et assurances affichent volontiers leur visage vert, mais leur conversion n’est pas désintéressée.

Elles ont réalisé que le dérèglement climatique représentait pour elles des risques financiers, avec un nombre croissant de catastrophes naturelles, mais aussi un prix du carbone de plus en plus élevé ou l’instabilité des prix des matières premières fossiles.

Vendredi, un groupe d’experts a d’ailleurs été chargé d’évaluer ces risques pour les entreprises et les investisseurs.

L’annonce a été faite par le Conseil de stabilité financière (FSB), organisme créé après la crise de 2008 pour superviser les institutions financières.

C’est l’ancien maire de New York Michael Bloomberg qui va coordonner ce groupe. Présent à la COP, le milliardaire s’est adressé aux banquiers: "les marchés demandent que vous preniez en compte les risques, et l’un des principaux aujourd’hui est le changement climatique".

Ces annonces interviennent au moment où les négociations entre les Etats achoppent sur la question du financement promis par les pays riches aux pays en développement pour les aider à faire face au changement climatique.

– les Etats locomotives –

"Il ne faut pas que la négociation sur le climat prenne du retard par rapport aux actions de plus en plus importantes réalisées par le secteur privé", a mis en garde le ministre français des Affaires étrangères, et président de la COP21, Laurent Fabius.

Les pays développés avaient promis de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour les aider à faire face au changement climatique, mais les discussions patinent.

La mobilisation du secteur privé, est certes un "symbole fort", selon Philippe Orliange, un responsable de l’Agence française de développement, mais "attention à ne pas tout mélanger", prévient-il.

La véritable locomotive ce sont les Etats et leurs dépenses budgétaires qui ont "un impact infiniment plus significatif".

"L’ensemble des recettes fiscales des pays en développement c’est déjà 2.700 milliards de dollars", souligne-t-il, beaucoup plus que l’aide publique au développement ou les mobilisations des acteurs privés.

Des ONG comme Attac dénoncent même un "double jeu" de certaines banques et entreprises qui s’affichent volontiers comme partenaires de la COP, tout en continuant de financer massivement des mines ou des centrales à charbon.

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