La crise des émergents sème la zizanie au G20

Brésil, Russie, Inde et Chine reprochent à la Fed, la banque centrale américaine, d’avoir changé de politique monétaire sans tenir compte des répercussions sur leurs devises qui, depuis mai, plongent sans discontinuer.

SOMMET Il n’y a pas que la perspective de frappes militaires américaines en Syrie qui déchire le G20 (lire page 2).Marquée par une chute brutale de leurs devises, la crise que traversent les grands pays émergents est une source de tensions croissantes entre les États-Unis et les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

Alors que l’Occident est sur le chemin de la reprise, les pays du Sud subissent un ralentissement sévère, aggravé par des sorties massives de capitaux en provenance des pays riches. La roupie indienne a perdu 25 % face au dollar, le real brésilien 15 % ; le rouble a chuté de 10 % depuis le début de l’année.

Après avoir tiré la croissance mondiale pendant cinq ans, les puissances émergentes sont devenues une source d’inquiétude. L’inflation galope et la croissance ralentit, revenant à 4,4 % en Inde et à 2,5 % en Russie. Les bruits de bottes autour de la Syrie n’ont rien arrangé, en faisant grimper le prix du pétrole, matière première clé dont sont dépourvus la plupart des émergents, à l’exception de la Russie.

Les Brics reprochent aux États-Unis d’être responsables de leurs déboires actuels. Encouragés par la Russie, ils comptent mettre ce sujet sur la table du G20, exigeant de la première puissance économique mondiale qu’elle reconnaisse les « dommages collatéraux » de sa politique monétaire et qu’elle n’agisse pas en fonction de ses seuls intérêts nationaux.

« À un moment où l’économie mondiale se trouve à nouveau dans une zone à risques », le G20 doit accorder la priorité à la croissance, a prévenu Vladimir Poutine. Le président russe a donné son aval à une réunion des Brics en marge du sommet, qui pourrait aboutir à un « pool de devises » pour soutenir les monnaies émergentes les plus fragiles, notamment la roupie indienne.

La crise des émergents a démarré le 22 mai, lorsque le président de la Fed, Ben Bernanke, a annoncé un possible durcissement de la politique monétaire américaine, dont l’expansionnisme a tant profité aux pays émergents ces dernières années. Pour soutenir l’économie américaine, la Fed injecte, tous les mois, 85 milliards de dollars de liquidités sur les marchés.

Cet argent frais s’était mas­sivement investi dans les Bourses et les devises émergentes, aimanté par des taux d’intérêt élevés. La perspective d’une Fed plus restrictive a refroidi les investisseurs. Ils ont retiré des centaines de milliards de dollars des marchés émergents pour les investir en Europe et aux États-Unis, où la croissance est repartie. Les risques d’intervention en Syrie ont accéléré ces fuites de capitaux du Sud vers le Nord. Les marchés ayant horreur de la guerre, ils se sont reportés sur les valeurs refuges habituelles, le dollar ou le Bund allemand (bons du Trésor).

La crise des émergents n’est pas de bon augure pour les pays riches, car elle menace leurs exportations. Mais elle ne devrait pas se traduire par un vaste élan de solidarité au G20. La Fed ne changera pas son calendrier sous la pression des émergents. Elle n’obéit qu’à un seul critère : le taux de chômage américain. Si la Fed change de politique, rétorque-t-on à Washington, c’est que la première économie mondiale repart, ce qui devrait suffire à redonner le sourire à la planète.

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