La colère de Mélenchon risque de dérouter son électorat aux législatives

En multipliant polémiques et invectives depuis sa défaite le 23 avril, Jean-Luc Mélenchon prend le risque de dilapider aux législatives le spectaculaire capital électoral engrangé à la présidentielle.

En 2012, son équipe défendait une stratégie "de bruit et de fureur", consistant à attaquer de front adversaires et médias. Le leader de La France insoumise, qui justifie très volontiers son caractère sanguin et présente ses "colères" comme une "vertu" dans les milieux populaires, semble avoir renoué avec cette pratique.

"A 600.000 voix près": l’expression est devenue un leitmotiv, illustrant la déception de Jean-Luc Mélenchon jusqu’à faire sourire les observateurs. De fait, s’il a raté de peu la qualification pour le second tour de la présidentielle, il semble ne pas s’en être encore tout à fait relevé.

"Beaucoup de nos électeurs ont eu le sentiment de se faire voler l’élection", a-t-il assuré mardi devant la presse, regrettant une campagne parasitée par les affaires qui s’est "achevée par un vote contraint et forcé", à cause de la présence de Marine Le Pen au second tour.
Mais, après les 19,6 % des voix obtenus le 23 avril, les intentions de vote pour les législatives se tassent pour LFI. "Les prises de position vitupérantes" de son leader font qu’"il a perdu une partie de son électorat au profit du parti socialiste", explique Jean-Daniel Levy, de Harris interactive.

"Ce que les Français appréciaient pour la présidentielle, c’était sa capacité à la fois à parler avec force mais aussi à être constructif", analyse le spécialiste.

Or, depuis trois semaines, polémiques, invectives et agressivité tant à l’égard de ses récents partenaires communistes que des médias ou de son ancien parti, le PS, se multiplient, brouillant le message d’"apaisement", de "cohérence" et de "contournement des médias traditionnels" qui avait fait la réussite de sa campagne présidentielle.

"Médiacrates et oligarques"

Lui dénonce un "Mélenchon bashing" et des "méthodes dégoûtantes" qu’il attribue à "l’exercice de forcification d’un pouvoir macronien qui n’est pas si stable qu’il en a l’air", malgré ce qu’il appelle "l’apologie et les scènes émouvantes d’adulation médiatique" auxquelles on assiste selon lui ces dernières semaines.
Le passage à une colère exprimée et assumée remonte au soir du premier tour lorsque, la voix blanche et le visage fermé, il avait refusé, à 22H00, de reconnaître les résultats. Et en avait profité pour fustiger "les médiacrates et oligarques qui jubil(ai)ent", selon lui, devant un duel de second tour opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen.

Quelques jours plus tard, il décrivait dans une vidéo l’atmosphère de "République bananière" qui a selon lui régné en France le week-end de l’élection. Puis il s’en prenait aux "anti-fascistes d’opérette" qui lui reprochaient de ne pas appeler à voter pour Emmanuel Macron.
A suivi le psychodrame avec les autres partis de gauche autour des investitures aux législatives qui ont donné lieu à des échanges particulièrement acides entre les responsables de La France insoumise, du PCF mais aussi des écologistes d’EELV. Jusqu’à une rupture annoncée le 9 mai, et pas toujours comprise sur le terrain.

Le dernier incident date de la semaine dernière. Lors de deux meetings successifs mercredi, M. Mélenchon, en perte de vitesse, s’en prend de manière très virulente à Bernard Cazeneuve qu’il accuse non seulement d’être responsable de la mort de l’écologiste Rémi Fraisse en 2014, mais de s’être "occupé de son assassinat".

Attaqué en diffamation par l’ancien Premier ministre et ex-ministre de l’Intérieur, qui mène aujourd’hui la bataille du PS pour les législatives, il a rectifié le tir mardi: "Je suis d’accord pour requalifier d’+homicide+ et je prie pour qu’on comprenne que dans un meeting de 45 minutes il peut arriver qu’un mot ne soit pas calibré exactement", a-t-il dit, rappelant qu’il avait fait "11 meetings" cette semaine-là.

Mais il a maintenu l’essentiel de son attaque: M. Cazeneuve lui "fait une leçon de République" sur sa position d’entre-deux tours, mais c’est à l’ex-ministre de "balayer devant sa porte" puisqu’il aurait dû démissionner après la mort du jeune écologiste à Sivens, a soutenu M. Mélenchon.

(AFP)

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