La bombe Dati affole Paris

La bombe Dati affole Paris
Rachida Dati cogne. Elle ne se laissera pas «marcher dessus» par ce Premier ministre qui prétend lui souffler «sa» circonscription. François Fillon, champion de la rigueur, ne serait qu’un dégonflé, un «lâche» qui prétend se faire élire dans les beaux quartiers, écrasant au passage une courageuse élue de terrain. Pour son «confort personnel». Elle l’a répété dimanche sur Canal + : «Je serai candidate aux élections législatives, à l’endroit où je suis élue maire», dans la deuxième circonscription de Paris qui regroupe les Ve, VIe et VIIe arrondissements. Effarés et impuissants, les cadres de la majorité s’inquiètent de ce déballage. Mais personne, pas même à l’Elysée, ne semble pouvoir y mettre fin.

Bousculer. «La créature échappe à son inventeur», se désole un sénateur UMP. En offrant à Rachida Dati le VIIe arrondissement aux municipales de mars 2008, Nicolas Sarkozy s’offrait une transgression : lui, le rastaquouère de Neuilly, il n’était pas fâché de bousculer les bourgeois du faubourg Saint-Germain en les appelant à voter pour la fille du maçon marocain M’Barek Dati. C’était au début du quinquennat, quand l’homme de la rupture prenait tant de plaisir à bousculer la vieille droite. Dati maire du VIIe ? Presque aussi réjouissant que Dati garde des Sceaux, rayonnante au milieu des magistrats interchangeables de la Cour de cassation. «Des petits pois», s’était moqué le Président.

Un quinquennat plus tard, l’icône de la diversité est devenue un problème. Le cas Dati divise. Au gouvernement comme au Parlement, la plupart des cadres de la majorité estiment que l’ex-ministre de la Justice a dépassé les bornes. «C’est hallucinant. Elle a eu droit à une promotion vertigineuse : simple conseillère technique devenue ministre de la Justice ! Et elle vient donner des leçons sur le mérite, se proclame porte-parole des indigènes du VIIe ! On rêve. Le Président a créé un monstre», s’emporte un collègue eurodéputé. Spectateur amusé de ce happening, l’ex-ministre Alain Lambert menace de se présenter dans la deuxième circonscription et renvoie dos à dos les deux rivaux. A Fillon, il reproche de se comporter «comme si l’UMP était propriétaire de ce territoire». Quant à Dati, il lui donne bien peu de chance. Son parachutage a été mal vécu : «Comme si Sarkozy avait dit aux électeurs du VIIe arrondissement: "Vous êtes des ringards. Je vais vous apprendre la vie".»

Dati peut toutefois compter sur de solides appuis. A commencer par celui du patron de l’UMP, Jean-François Copé, qui a trouvé là un excellent moyen de brouiller l’image de son rival, Fillon. Dati a droit à la bienveillance de tous ceux qui se réjouissent de voir sous la mitraille ce Premier ministre si prompt à se mettre à l’abri des mauvais coups.

Attaque. Mais la transgression est passée de mode. Au bureau politique de l’UMP, le 26 octobre, Christian Estrosi et Nadine Morano ont sommé Copé de faire taire Dati. Les attaques contre Fillon sont «scandaleuses et indécentes. […] Quand on a été servie sur un plateau en or massif, on se tait, on se consacre à son mandat et on arrête d’enquiquiner tout le monde», s’est emportée Morano, applaudie par de nombreux militants. Depuis, Copé ne se risque plus à critiquer publiquement le parachutage de Fillon. Même le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, très proche de Dati, a qualifié de «légitime» la candidature parisienne du Premier ministre.

Rien n’est réglé pour autant. Même s’ils estiment que Dati a été largement «servie» avec ses mandats de maire et de député européen, les chefs de la majorité reconnaissent qu’il faut «donner quelque chose» à l’ex-ministre. «Pour Sarkozy, Dati est une grenade dégoupillée. Même s’il ne veut plus la voir, il pense qu’on ne peut pas la laisser dans la nature», confie un élu parisien.

«Il faut traiter Dati», dit-on à l’UMP. Comment ? Mystère. En attendant la maire du VIIe continue de cogner allégrement. Son ami Jean-Pierre Lecoq, maire du VIe, lui apporte son soutien : «C’est mon côté saint-bernard, j’aide les gens en difficulté. On ne peut la jeter aux chiens !» Comme beaucoup d’élus de droite, Lecoq est «bluffé» par sa collègue «qui attire la lumière et rempli les salles» dans des quartiers où l’UMP n’est pas la bienvenue.

Toujours plus isolée, lâchée par la moitié des élus UMP de son conseil municipal, Dati se trouve de nouveaux alliés parmi ses ennemis d’hier. «Je n’ai pas aimé le parachutage, je suis gênée par le lâchage. Les élus se sont écrasés quand Sarkozy a imposé Dati en 2008. Maintenant, ils font la danse du ventre devant Fillon. On ne traite pas les gens comme ça», confie Véronique Delvové, élue Modem du VIIe. Même si elle ne souhaite pas sa victoire – elle se verrait bien suppléante d’Alain Lambert aux législatives -, l’élue centriste estime que Dati a «raison de se battre».Dati dans le VIIe arrondissement : la transgression se retourne contre son promoteur.

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