La Légion islamique, une armée de mercenaires manipulés par le Guide (Libération)

Du temps où il se rêvait en leader des «Etats-Unis d’Afrique», Muammar al-Kadhafi n’hésitait pas à envoyer sa «Légion islamique» faire le coup de feu sur le continent. On l’a vue à l’œuvre en Centrafrique, en 2002, pour défendre l’ex-président Ange-Félix Patassé. Aujourd’hui, le «Guide» compte désespérément sur le soutien de ces légionnaires pour se maintenir au pouvoir à Tripoli.

Depuis le début du soulèvement en Libye, de nombreux témoignages locaux font état de la présence de combattants étrangers, certains parlant français, au comportement ultraviolent. Combien sont-ils ? La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) estime leur nombre à 6 000, dont 3 000 rien que dans la capitale. «Ils semblent avoir reçu carte blanche pour piller et tuer, indistinctement, tout civil», s’inquiétait hier l’association.

De hauts responsables en rupture de ban avec le régime de Kadhafi, tel le ministre démissionnaire de la Justice, Moustapha Abdel Jalil, confirment leur présence sur le sol libyen. «Je savais que le régime avait des mercenaires bien avant le soulèvement, a-t-il confié au journal suédois Expressen. Lors de plusieurs réunions, le gouvernement a décidé de donner la citoyenneté à des gens du Tchad et du Niger.» Nombre de ces hommes ont en effet été cooptés à la suite des multiples rébellions – tchadienne ou touareg dans le nord du Niger et du Mali – qui ont ponctué l’histoire de la région sahélienne depuis les années 70 et que le Guide libyen a instrumentalisées pour mieux asseoir son influence. «Kadhafi est le grand parrain de l’Afrique, explique Antoine Glaser, ancien directeur de la Lettre du continent. Il a toujours joué un double jeu, finançant les rebelles d’une main et les dirigeants de l’autre.» A la fin des années 80, Kadhafi a notamment épaulé Charles Taylor, qui mit à feu et à sang le Liberia durant plus de dix ans.

Camps. Dans le même temps, on ne compte plus le nombre de négociations de paix qui se sont déroulées sur le sol libyen. Ce fut encore le cas, récemment, pour le conflit au Darfour (Soudan), impliquant des rebelles tchadiens et soudanais. Mais aussi dans le nord du Niger, où un accord a été trouvé en 2009 entre Niamey et les rebelles touaregs, sous l’égide de Tripoli. Au fil des ans, des ex-rebelles touaregs et tchadiens ont été hébergés par Kadhafi dans des camps situés dans le sud du pays, en réserve de sa Légion islamique.
Ont-ils été rejoints, ces derniers jours, par des mercenaires recrutés et acheminés ? Joint par Libération, le responsable de la Ligue libyenne des droits de l’homme, Slimane Bouchuiguir, affirme que des pilotes libyens ont décidé de ne plus voler à bord des avions de la compagnie nationale Afriqiyah après avoir découvert qu’ils avaient acheminé des mercenaires à leur insu. Une source bien informée assure qu’au cours des derniers jours, près d’une centaine de «baroudeurs tchadiens» – des anciens du Darfour, appartenant à l’ethnie des Zaghawas (est du Tchad) – ont été convoyés en Libye. D’après la FIDH, des combattants de nationalités tchadienne, nigérienne, mais aussi soudanaise et malienne, ont été appréhendés au cours des derniers jours par les insurgés. Des chiffres plus ou moins fantaisistes ont été cités à propos de leur rémunération. Mais celle-ci pourrait tourner autour de 2 000 dollars par mois (environ 1 450 euros).

Embrigadés. Dans le chaos ambiant, une véritable psychose du mercenaire s’est emparée de la population libyenne. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), de nombreux réfugiés africains – originaires principalement du Tchad, du Soudan, d’Erythrée et de Somalie – ont été pris pour cible, au cours des derniers jours par les opposants au régime de Kadhafi. Trois Somaliens ont même été tués. Plus d’un million d’immigrés vivent en Libye, dont la majorité sont originaires d’Afrique noire. Beaucoup vivent dans des conditions extrêmement précaires, parfois dans la clandestinité. Certains d’entre eux auraient été embrigadés par les mercenaires sous menace de mort.

Hier, l’Organisation internationale des migrations faisait part de son inquiétude, notant que – à la différence des Européens – leurs gouvernements ne sont pas en mesure de les exfiltrer pour des raisons financières et logistiques.

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