L’euro franchit en pleine crise le cap de ses 10 ans

Loin des files d’attente euphoriques devant les automates bancaires qui avait accompagné le 1er janvier 2002 le lancement des premiers billets en euros, la monnaie commune a vécu son 10e anniversaire dans une discrétion révélatrice de la crise profonde qu’elle traverse.

Les célébrations officielles de ce qui a été à l’époque le plus grand basculement fiduciaire jamais réalisé — 14,9 milliards de billets et 52 milliards de pièces introduits du jour au lendemain dans 12 pays fondateurs — restent discrètes.

Tout au plus les cercles numismatiques attendent-ils une pièce de deux euros commémorative de l’événement, qui doit être émise en commun à partir de lundi dans les pays — 17 aujourd’hui — de la zone euro. Et à Francfort, la Banque centrale européenne (BCE) a diffusé sur son site internet une brève vidéo pour rappeler les bienfaits de l’euro.

"Durant la décennie passée, la monnaie unique est devenue le symbole de l’intégration et de la coopération" en Europe, y assure le président de la BCE, Mario Draghi.

"Malgré les défis auxquels font actuellement face l’Europe et le monde, les citoyens de la zone euro peuvent être assurés que la BCE restera fidèle à son mandat de maintenir la stabilité des prix", promet-il encore.

De fait, même si l’inflation ressentie par l’homme de la rue a été relativement élevée, certains secteurs de consommation courante ayant profité du passage à l’euro pour augmenter leurs prix, l’inflation réellement mesurée est restée chaque année autour des 2% depuis la création de la monnaie unique.

Et en supprimant la barrière des changes, l’euro a également permis de stimuler les échanges entre les pays qui l’ont adopté, ce dont ont notamment profité les PME allemandes.

Un bilan terni toutefois par le contexte économique. Les responsables politiques ont préféré ces derniers jours appeler leurs citoyens à relever les défis pour sortir de cette crise "inouïe", de l’aveu du président français Nicolas Sarkozy.

Et 2012 risque d’être, selon la chancelière allemande Angela Merkel, "plus difficile" encore que l’annus horribilis que vient de traverser la zone euro.

Partie de Grèce il y a deux ans quand Athènes a admis avoir trafiqué ses comptes pour adopter l’euro, la crise de la dette a gagné le Portugal, l’Irlande, et menace aujourd’hui tous les pays de la zone, malgré les plans de sauvetage et sommets européens "de la dernière chance" qui se sont succédé tout au long de 2011.

Pour la première fois, la question de la survie de la monnaie commune est posée.

Alors que les gouvernements vont devoir en ce début d’année retourner massivement se refinancer sur les marchés, la Grèce joue en janvier sa survie financière dans de difficiles négociations avec les banques pour réduire de moitié leurs créances.

Du fait notamment des réticences de l’Allemagne à mettre la main au portefeuille, la zone euro n’est toujours pas parvenue à se doter d’un pare-feu suffisamment solide pour aider en même temps plusieurs pays de la taille de l’Espagne ou de l’Italie. Et un soutien du FMI reste incertain.

Ce faisant, l’Europe s’attache à combler une lacune originelle de son Union monétaire, mise en exergue par la crise : l’insuffisante coordination des politiques économiques. Un accord doit être signé en principe début mars par la plupart des pays européens pour inscrire dans les Constitutions des "règles d’or" sur le retour à l’équilibre.

L’euro a fini l’année sur un nouveau plus bas niveau depuis plus de dix ans face au yen, et sur un plus bas depuis près de 16 mois face au dollar (tout en restant nettement au-dessus de celui qu’il avait face à la monnaie américaine à sa création).

Pour autant près de deux tiers des Français sont opposés à un retour au franc, et un "éventuel retour à la drachme équivaudrait à un véritable enfer" pour la Grèce, a mis en garde le gouverneur de la Banque de Grèce, Georges Provopoulos.

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