L’affaire Ghosn, un scandale de plus à l’initiative d’un lanceur d’alerte

UBS, Danske Bank, Cambridge Analytica et désormais Renault-Nissan: l’enquête pour des malversations présumées visant Carlos Ghosn illustre la montée en puissance des lanceurs d’alerte dans le monde de l’entreprise, confronté à des exigences croissantes en terme de transparence.

Qui a lancé l’affaire Ghosn et pour quelles raisons? Trois jours après l’arrestation du PDG de l’Alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi, accusé d’avoir dissimulé aux autorités japonaises une partie importante de ses revenus, les circonstances du scandale, initié par un salarié de Nissan, commençaient mercredi à émerger, malgré des zones d’ombre persistantes.

Selon des médias japonais, l’informateur à l’origine de l’enquête, qui appartiendrait au service juridique de Nissan, aurait fourni ses informations dans le cadre d’une négociation de peine autorisée par une récente loi, appliquée pour la deuxième fois seulement par les autorités japonaises.

"La culture de la dénonciation n’est pas très établie au Japon", rappelle Jenny Corbett, chercheur à la Fondation pour les études australo-japonaises. "C’est intéressant car cela peut suggérer l’existence de tensions internes ou d’une lutte pour le pouvoir au sein de l’entreprise", ajoute-t-il.

Pour Patrick Wiedloecher, du Cercle d’éthique des affaires, le fait que l’initiative du salarié de Nissan ait pu être motivée par des intérêts personnels, voire utilisée à des fins politiques, n’ôte pas à cet informateur son caractère de "lanceur d’alerte" — si les faits dénoncés s’avèrent être réels.

"Il y a plein de motivations différentes pour les lanceurs d’alerte. Parfois, il s’agit de défendre le bien commun, parfois de se protéger, parfois de se venger après un conflit personnel", assure cet ex-déontologue du groupe La Poste, pour qui l’affaire Ghosn s’inscrit dans un mouvement "plus vaste" touchant le monde économique.

Ces dernières années, de nombreux salariés ont ainsi mis sur la place publique les pratiques illégales de leur entreprise, avec à la clé des scandales retentissants, allant de l’évasion fiscale ("Luxleaks") au blanchiment d’argent (Danske Bank) en passant par l’utilisation frauduleuse de données informatiques (Cambridge Analytica).

"Il y a une lame de fond au niveau international", portée par une volonté de "lutter contre l’abus de pouvoir", analyse Nicole-Marie Meyer, responsable du programme Alerte éthique à Transparency International France. "Les dirigeants politique et économiques sont de plus en plus appelés à rendre des comptes aux citoyens", ajoute-t-elle.

Un phénomène qui touche les grandes entreprises, mais pas seulement. En France, plusieurs abattoirs ont ainsi dû fermer leurs portes ces derniers mois après des dénonciations de salariés ayant choisi de rendre publiques les conditions d’abattage, non conformes à la réglementation.

"C’est un phénomène qui touche tous les secteurs et tous les types d’entreprise", souligne Patrick Widloecher, qui attribue ce phénomène à l’appétit croissant des citoyens pour la "transparence", mais aussi aux efforts mis en place — aux États-Unis et en Europe notamment — pour mieux protéger les lanceurs alerte.

Dans une étude du cabinet d’avocats Freshfields Bruckaus Deringer publiée fin 2017, et menée auprès de 2.500 personnes aux États-Unis, en Asie et en Europe, un cadre sur deux assurait avoir été déjà concerné par un lancement d’alerte, soit comme lanceur d’alerte, soit comme destinataire d’une alerte.

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