L’abstention, ennemi coriace des partis arabes en Israël

Pour faire entendre leur voix, les partis arabes ont joint leurs forces en vue des élections israéliennes du 17 septembre, mais affrontent un ennemi coriace: l’abstention massive, et les tentatives pour l’alimenter, chez une population qui se sent marginalisée.

Dernier épisode du feuilleton, la polémique sur les caméras dans les bureaux de vote, le Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahu voulant permettre aux partis de filmer à côté des urnes pour prévenir des "fraudes" –une démarche perçue par certaines comme une tentative d’intimidation des électeurs Arabes israéliens.

A quelques jours du scrutin, cette saga s’est pour le moment soldée par un échec pour le chef du gouvernement, lancé dans une course pour sa réélection: ni le comité central pour les élections, ni la Knesset, le Parlement israélien, n’ont approuvé que de telles caméras pénètrent dans les bureaux de vote.

Mercredi, au Parlement, pendant les discussions sur le sujet, le député à la tête de la "Liste unie" des partis arabes et communiste, Ayman Odeh, a même cueilli le Premier ministre alors qu’il descendait de la tribune, en braquant son smartphone sous son nez, tel une caméra intrusive.

"Ils disent que les Arabes volent les élections, mais au dernier scrutin notre taux de participation n’a été que de 49% contre environ 90% pour les colons", a notamment commenté M. Odeh après l’incident.

– "Opération caméras" –

Les Arabes israéliens représentent autour de 20% des neuf millions d’habitants du pays. Ils sont les descendants des Palestiniens restés sur leurs terre lors de la création d’Israël en 1948.

Beaucoup gardent un souvenir amer du scrutin d’avril dernier, qui n’a débouché sur aucune coalition viable, obligeant le Premier ministre à convoquer de nouvelles élections moins de six mois plus tard.

Samy Talal surveillait le vote dans une école à Umm el Fahm, ville arabe de 550.000 âmes. Alerté par un SMS, il découvre que le président de son bureau, membre du Likoud, avait caché une caméra-stylo dans la poche de devant de sa chemise.

S’en suit une grande confusion. Pendant une demi-heure, le vote est suspendu. Certains électeurs ont rebroussé chemin et ne sont jamais revenus, selon Samy.

Le lendemain, Sagi Keizler, l’homme derrière cette "opération caméras", fanfaronne sur Facebook: "C’était nous!"

Dans les zones arabes, "grâce au fait qu’il y avait nos observateurs dans tous les bureaux, le taux de participation est descendu en-dessous de 50%, le plus bas ces dernières années", se félicite le message accompagné d’une photo de M. Keizler avec le couple Netanyahu.

L’affaire des caméras traduit un climat anti-arabe plus général, estime Sawsan Zaher, avocate pour l’ONG arabe israélienne de défense des droits humains Adalah, qui a porté, la première, la question devant les tribunaux.

Dernier exemple cette semaine, un message posté sur le compte Facebook du Premier ministre: "Les Arabes veulent nous anéantir tous". "Ce n’était pas moi, c’était l’un des employés du QG de campagne", s’est défendu M. Netanyahu sur la radio publique israélienne. "L’erreur a été vite réparée".

– Pourquoi voter? –

Dans son bureau donnant sur l’une des grandes artères de Haïfa, ville mixte du nord du pays, Ayman Odeh veut croire que tant d’adversité va renforcer le vote arabe.

"Regardez à quel point ils ont peur de nos voix! Alors venez, on y va!", lance-t-il, entre les affiches de Che Guevara et du poète palestinien Mahmoud Darwish, symbole de la résistance.

En avril, "le fait que nous étions divisés a fait baisser la participation. Mais cette fois nous sommes unis".

Pour autant, selon les sondages, les Arabes israéliens ont principalement boudé les urnes par "manque de confiance dans le Parlement", rappelle le député Ahmad Tibi, une des figures de la "Liste unie". La division des partis arabes n’a compté que pour 9% de l’abstention, d’après les mêmes sources.

Une partie des 960.000 électeurs arabes israéliens n’a jamais voté, par idéologie: ils refusent de participer au jeu électoral israélien. Mais d’autres sont venus grossir les rangs de l’abstention ces dernières années.

La loi dite de "l’Etat-nation", votée l’an dernier et qui affirme qu’Israël est l’Etat du peuple juif a notamment dissuadé certains, estime Sawsan Zaher, les minorités s’estimant reléguées à une citoyenneté de seconde zone.

"Le pourcentage des électeurs arabes qui votent diminue depuis 20 ans", note Gilad Grossman, porte-parole de l’Association pour les droits civiques en Israël.

Au-dessus des morceaux d’agneau soigneusement découpés sur son étal, à Nazareth, principale ville arabe du pays, Bassem Zaarour hausse les épaules à l’évocation de la liste unie pour les élections.

"J’ai cessé de voter pour eux, les gens ont perdu confiance". En tant qu’Arabes, "que la droite ou la gauche l’emporte…, personne ne veut de nous".

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