L’OPA d’Eva Joly sur les Verts

Issue d’Europe Ecologie, la potentielle candidate à l’élection présidentielle de 2012 a su trouver les mots pour parler aux militants Verts, en clôture des Journées d’été du mouvement écologiste…

C’est un exercice obligé, un exercice assez simple mais qui peut s’avérer dévastateur si on le rate. Eva Joly n’a pas failli. La presque candidate des écologistes a clôturé, avec Cécile Duflot, les journées d’été d’Europe Ecologie/Les Verts, samedi après-midi, à Nantes. Cécile, Eva, tout un symbole. Les têtes d’affiche du fameux ticket pour 2012 contre lequel Daniel Cohn-Bendit vitupère, menaçant – sur le ton de la blague paraît-il – de démissionner s’il voit le jour. «Dany», d’ailleurs, était rentré à Francfort samedi et n’a pas vu le spectacle. Il n’a pas vu celle qu’il est allé chercher il y a 18 mois pour la campagne des européennes se lancer dans une opération de charme à l’attention des militants verts qui peuplaient l’amphi bondé. Peut-être se serait-il transformé en «schtroumph-grognon», comme l’a décrit Cécile Duflot dans une interview au point.fr…

Celle qui se décrit comme une bleue en politique a pourtant d’abord utilisé de vieilles ficelles pour ferrer la salle qui les avaient accueillies par une standing ovation: taper sur les journalistes. D’autant plus payant que le public avait déjà manifesté son agacement contre les médias et les photographes. De sa «petite voix», l’ancienne juge a confessé avoir «subi des interviews avant de venir» lors desquelles un journaliste, raconte-t-elle, lui a demandé si elle n’avait pas eu peur de se faire siffler en arrivant à Nantes. Huées sur les bancs de l’amphithéâtre. Des médias qui ne voient le mouvement «que sur un mode concurrentiel», qui manquent «d’imagination», a-t-elle critiqué et qui ont «sous-estimé l’élan qui nous porte». Surchauffée, la salle l’ovationne. Et d’ajouter, presque en minaudant: «Je vais vous confier un secret: je n’en doutais pas».

«Je vais vous parler de mon accent»

Deuxième étape: afficher à nouveau, cette fois devant les militants, sa complicité avec Cécile Duflot, la patronne des Verts, l’eurodéputée parlant d’une «entente telle» entre elles que leur duo ne pouvait que marcher. C’est l’accord parfait entre les deux femmes, si parfait qu’elles étaient accordées sur leur tenue – robe blanche et gilet noir pour l’ancienne juge, pantalon noir et chemise blanche pour la Verte. Troisième étape: s’adresser aux militants Verts, directement. Eux qui parfois se sentent dépossédés de leur parti par l’aventure Europe Ecologie et la perspective d’un mouvement unifié. «Merci à vous, vous l’avez voulu. Merci pour cet engagement et cet effort», a lancé Eva Joly à une salle en délire, relevant que le parti Vert avait accepté de transformer ses statuts pour acter la fusion. «Un pas historique», disait-elle dans l’après-midi qui permet la «naissance de la troisième force politique du parti».

Après avoir évoqué la réforme des retraites et la «nécessité de la transformation éthique de la politique», où l’«on ne peut promettre que ce qu’on peut raisonnablement tenir», la Franco-Norvégienne a déminé un sujet qui fait jaser: son accent. A la salle, elle a demandé si «un accent» pouvait porter «le projet de transformation écologique de la société». «Ouiiiii!», répondent plusieurs voix. «Je vais vous parler de mon accent, reprend-elle. Il y a des accents marseillais, des accents de Béthune, des accents de Strasbourg, des accents italiens et même des accents de Roms», pas toujours entendus en France, lance-t-elle a une salle suspendue à ses lèvres. «D’une certaine façon, je les représenterai aussi dans mon combat».

Malaise Cohn-Bendit

Il n’en fallait pas plus pour faire lever, encore, des militants qui n’attendaient que ça et applaudissaient à tout rompre. Alors quand Cécile Duflot s’est levée pour rejoindre le pupitre, elle a joué sur du velours. Pas besoin de séduire ses militants, elle a parlé politique. De l’urgence de «rassembler, rassembler, rassembler» pour «passer à l’exercice du pouvoir». De la nécessité «de mettre en œuvre un pacte d’alternative démocratique» pour une «République qui rassemble et libère». Pour sa «peut-être» dernière prise de parole «comme secrétaire nationale des Verts», elle a donné «rendez-vous» pour «une autre histoire qui verra la fin de nos deux logos», ceux des Verts et d’Europe Ecologie. Et c’est main dans la main, sous une longue ovation, que les deux femmes, accordées jusque dans leurs tenues, ont clôturé ces journées d’été au bilan contrasté.

Une avancée incontestable avec l’unification des deux structures, l’adoubement d’Eva Joly par les militants et les figures du mouvement écolo. Mais des zones d’ombres persistent, voire s’agrandissent, avec le malaise Cohn-Bendit. Le «zorro» du mouvement qu’il a initié il y a 18 mois, veut prendre du recul, agacé par les derniers développements. Et en coulisses, l’organigramme du futur mouvement – direction unique ou co-direction? – fait l’objet d’intenses crispations dans les deux camps. Seule certitude, c’est l’eurodéputé Yannick Jadot qui l’a dit à la tribune, Cécile Duflot en sera. Pour le reste, les discussions se poursuivent. Au final, les militants trancheront sur la structure du futur mouvement lors des assises de l’écologie les 13 et 14 novembre à Lyon, où la création du mouvement sera actée.

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