L’Iran et le risque de prolifération nucléaire

L’Iran a lancé le compte-à-rebours en vue de son retrait progressif de l’accord international de 2015 sur son programme nucléaire. Après avoir dépassé la limite autorisée du stock d’uranium faiblement enrichi, Téhéran se dit déterminé à enrichir, dès dimanche, l’uranium à un degré prohibé par le texte.

"Attention avec vos menaces, l’Iran!", a réagi le président américain Donald Trump, dont le retrait unilatéral de l’accord en mai 2018 a provoqué cette annonce de désengagement graduel, et relancé les interrogations sur la capacité de l’Iran à fabriquer une bombe atomique.

– Que signifie le dépassement du stock d’uranium enrichi ?

En terme de capacité technique à obtenir une arme nucléaire, pas grand-chose.

L’Iran s’est toujours défendu d’une telle visée mais l’accord de 2015 avec les grandes puissances avait été conçu de manière à ce que le temps qu’il faudrait pour produire une bombe, si Téhéran le décidait, dure au moins un an.

La quantité disponible d’uranium faiblement enrichi (LEU) n’est qu’un des multiples paramètres du processus de fabrication.

L’accord de Vienne avait fixé le stock maximum autorisé à 300 kilos. Un rapport daté de lundi de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), consulté par l’AFP, confirme un dépassement, de l’ordre de deux kilos.

Selon les experts, il faudrait au moins mille kilos d’uranium faiblement enrichi pour pouvoir entamer le processus de fabrication d’une bombe.

– Quel est l’enjeu du degré d’enrichissement de l’uranium ?

L’enrichissement d’uranium consiste à augmenter la proportion d’isotope fissile dans l’uranium.

En vertu de l’accord, l’Iran ne peut enrichir de l’uranium qu’à hauteur de 3,67%, un niveau permettant d’alimenter les centrales pour la production d’électricité, bien en-deça des 90% requis pour fabriquer une bombe.

Ancien inspecteur de l’AIEA, Robert Kelley, expert à l’Institut international de Stockholm pour la recherche sur la paix (Sipri), rappelle qu’une fois franchi le pallier de 3,67%, l’enrichissement à degrés plus élevés devient beaucoup plus simple, "Si vous enrichissez à 3,5%, vous avez parcouru la moitié du chemin, et si vous montez jusqu’à 20%, vous avez fait environ 80% du travail", explique-t-il à l’AFP.

Selon Olli Heinonen, ancien chef des inspecteurs de l’AIEA, l’Iran pourrait justifier un degré d’enrichissement supérieur par la volonté d’alimenter son réacteur de recherche à Téhéran ou en vue de produire des isotopes à usage médical.

– Pourquoi parle-t-on du réacteur d’Arak ?

L’Iran a également annoncé vouloir reprendre la construction de son réacteur à eau lourde d’Arak, dans le centre de l’Iran, modifié depuis l’accord de manière à y rendre impossible la production de plutonium, autre moyen que l’uranium pour parvenir à une bombe atomique.

David Albright, président de l’Institut des sciences et de la sécurité internationale de Washington, estime que ce serait "à prendre très aux sérieux et donnerait une impulsion majeure au E3 (les pays européens partie à l’accord) pour réintroduire des sanctions".

"Plusieurs années seraient cependant nécessaires à l’Iran pour achever le réacteur et produire du plutonium", précise-t-il.

Téhéran a tenu à souligner que les violations annoncées jusqu’à présent sont réversibles "en quelques heures" en cas de progrès jugés suffisants dans les négociations avec les grandes puissances.

– Y-a-t-il d’autres lignes rouges ?

Ce sont des centrifugeuses tournant à des vitesses supersoniques qui permettent l’enrichissement de l’uranium. Si l’Iran relançait son programme d’installation de centrifugeuses, un cap important serait franchi, en particulier s’il s’agissait de modèles IR-2M, plus perfectionnés que les centrifugeuses IR-1 actuellement utilisées.

Avant l’entrée en vigueur de l’accord qui a drastiquement réduit le nombre de ces machines, l’Iran disposait d’environ 20.000 centrifugeuses de tout type et avait amassé environ 8.000 kilos d’uranium faiblement enrichi.

Avec le redéploiement de modèles IR-2M, l’Iran pourrait réduire à sept mois le temps nécessaire à l’enrichissement de l’uranium permettant de fabriquer une arme, selon M. Albright.

Mais au-delà des stricts ingrédients nucléaires, le pays doit disposer d’autres équipements industriels pour produire une bombe : "il faut se demander où ils en sont dans le développement d’explosifs de grande puissance, d’usinage, etc",souligne Robert Kelley, selon lequel l’Iran présente un "déficit" dans ce domaine.

L’Iran devrait également procéder à des essais et à l’achat de divers équipements, autant d’activités qui devraient être détectables.

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