L’Europe abandonne la Centrafrique

Malgré les promesses, seules la Géorgie et la Moldavie, qui n’appartiennent pas à l’UE, sont prêtes à renforcer les troupes françaises

La troisième conférence de génération de forces de l’opération Eufor/RCA s’est tenue jeudi 13 mars à Bruxelles. Elle s’est terminée par un aveu d’échec, au moins provisoire. Le général français Philippe Pontiès, qui commande cette mission décidée le 20 janvier par l’Union européenne, n’a pu que constater l’évidence : elle ne peut toujours pas démarrer, alors que les premières troupes devaient être déployées sur le terrain à la fin du mois de février.

Un diplomate européen cité par l’AFP confirme : "Il manque encore des moyens logistiques indispensables." Le diable est dans les détails : pour constituer la force, il ne "manque" qu’une dizaine de camions, quatre équipes médicales avec leurs quatre ambulances, ainsi que des moyens du génie et de transport aérien ! En réalité, c’est la volonté politique qui fait défaut. Ahurissant aveu de faiblesse d’une Europe à 28 États, comptant des centaines de milliers de soldats, incapable de déployer dix camions ! Pendant ce temps, la France demeure le seul pays européen déployant des troupes en Centrafrique, dans le cadre de l’opération Sangaris.

Soldats sans munition

Cette dernière compte désormais officiellement 2 000 hommes, mais il faut y ajouter des troupes non comptabilisées, dont au bas mot plusieurs dizaines d’hommes du COS (Commandement des opérations spéciales). La force africaine Misca devrait atteindre les 6 000 hommes dans quelques semaines, mais manque de troupes entraînées, de matériels adaptés et de beaucoup d’autres choses. Concrètement, seuls deux pays ont confirmé jeudi leur accord pour l’envoi de troupes et aucun n’appartient à l’Union européenne ! Il s’agit de la Géorgie, pour 150 hommes, et de la Moldavie, pour un nombre indéterminé. Une source militaire à Paris lève les bras au ciel : "Seule l’Europe centrale et orientale est prête à bouger. Pour le reste, c’est démentiel : un pays veut bien envoyer des soldats, mais pas d’officiers. Un autre une poignée d’hommes, mais sans arme. On a aussi le modèle des hommes et des armes, oui, mais sans munition, ou encore d’accord, mais pour trente jours, pas un de plus !"

Fiasco politique

Vendredi, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius ont exprimé une forme d’exaspération sous la forme inhabituelle d’un communiqué commun de sept lignes stigmatisant l’incurie européenne sur le thème "le compte n’y est pas". Le ton est on ne peut plus ferme : "Si un effort supplémentaire n’est pas réalisé très rapidement, il ne sera pas possible de lancer, comme prévu, cette opération indispensable la semaine prochaine. L’Union européenne doit assumer ses responsabilités en matière de sécurité internationale. La France appelle vigoureusement ses partenaires à s’en donner les moyens."

À Bruxelles, on se dit que la réunion des ministres des Affaires étrangères prévue le 17 mars pourrait débloquer la situation, tout en n’y croyant qu’à moitié. En réalité, seules l’Ukraine et la situation en Crimée seront regardées à la loupe. À Paris, ce diplomate admet que "pour les Européens, la Centrafrique, c’est la France. Aucune raison de s’en mêler". Une source dans la capitale belge se désole : "Personne ne peut prendre le risque de faire capoter cette initiative, mais le processus actuel ne doit pas continuer indéfiniment. À un moment il faut agir !" Pour l’heure, les militaires européens ne peuvent comptabiliser que "de petites choses au compte-goutte, ici et là". En clair : l’Eufor/RCA est très mal partie…

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite