L’Eurogroupe patine sur le manque de confiance vis-à-vis d’Athènes

Défiance, menace de Grexit… Les ministres des Finances de la zone euro peinaient samedi à avancer vers un éventuel sauvetage financier de la Grèce, ce qui augurait de très longues négociations et compromettait les espoirs d’une percée décisive.

"Le premier grand tour est fini. On va coucher par écrit ce qu’on veut entendre des Grecs", a déclaré à l’AFP une source européenne aux alentours de 17H30 GMT.

Les discussions ont été laborieuses, "bloquées sur le manque de confiance", affirmait à l’AFP après deux heures de discussion une source proche des discussions.

"On parle de rebâtir la confiance", a confié une autre source, ajoutant que "le climat n’est pas facile pour les Grecs".

L’Eurogroupe doit théoriquement avancer dans les discussions sur un éventuel troisième plan de sauvetage financier de la Grèce avant un sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union prévu dimanche soir, qui a pour objet, dans le meilleur des cas, de donner la première impulsion vers une sortie de crise.

Faute d’accord, ce sommet pourrait faire dériver un peu plus la Grèce vers un "Grexit", la sortie du pays de la zone euro, redoutée par les dirigeants européens.

Selon une source européenne au fait des discussions, l’Allemagne envisage d’ailleurs une sortie temporaire de la Grèce de la monnaie unique, d’une durée de cinq ans, si le pays n’améliore pas ses propositions de réformes. Le sujet n’a toutefois pas été abordé samedi à Bruxelles.

Les faucons en formation serrée

A leur arrivée, les faucons de l’Eurogroupe ont fondu toutes serres dehors sur la Grèce, dénonçant des propositions insuffisantes et mettant en doute la sincérité du gouvernement de gauche de Syriza à appliquer effectivement les réformes qu’il propose en échange de l’aide européenne.

"Il y a un gros problème de confiance", a déclaré le patron de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem.

"Est-ce qu’on peut faire confiance au gouvernement grec pour qu’il fasse ce qu’ils promettent dans les prochaines semaines, (les prochains) mois ou (les prochaines) années ?", s’est-il interrogé.

Le leader du camp des durs, le grand argentier allemand Wolfgang Schäuble, a prédit des négociations "extrêmement difficiles". "Nous ne pouvons pas avoir confiance dans des promesses", a-t-il insisté.

Les espoirs de règlement nés à la fin de l’année dernière "ont été réduits à néant de manière incroyable ces derniers mois", a martelé le ministre conservateur allemand, en référence aux six mois de gouvernement de Syriza et autant de négociations infructueuses entre Athènes et ses créanciers.

"Plusieurs gouvernements, dont le mien, ont de sérieux doutes sur l’engagement du gouvernement grec et sur sa capacité à mettre en oeuvre" les réformes, a estimé le secrétaire d’Etat aux Finances néerlandais Eric Wiebes.

En face, même les colombes de l’Eurogroupe, favorables à Athènes, attendaient le ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos de pied ferme.

"Il faut des réformes mises en oeuvre rapidement (en Grèce, ndlr), c’est la clé de tout (…) pour débloquer un programme, pour traiter la question de la dette", a souligné le Commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici.

Ce programme, incluant une hausse de la TVA, des coupes dans les retraites et des privatisations, avait été accueilli plutôt favorablement par les créanciers, l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.

Les pays les plus accommodants avec Athènes avaient aussi bien accueilli les propositions hellènes.

Les faucons, qui avaient eux gardé le silence ces trois derniers jours, ont descendu en flammes samedi les propositions.

Elles "sont loin d’être suffisantes", a jugé Wolfgang Schäuble.

"Les propositions auraient été bonnes dans le cadre du deuxième programme d’aide, mais j’ai peur qu’il soit insuffisant pour lancer un troisième programme", a argué le slovaque Peter Kazimir.

74 à 82 milliards d’euros

Selon les calculs des créanciers, si le troisième plan d’aide demandé par Athènes voit le jour, la Grèce pourrait recevoir entre 74 et 82 milliards d’euros sur trois ans, dont 16 milliards déjà prévus dans un programme du FMI devant expirer en mars 2016.

L’Eurogroupe pourrait aussi étudier une solution transitoire, "un pont" financier qui permettrait à la Grèce de rembourser le 20 juillet la BCE. Cette solution transitoire mobiliserait notamment quelque 3,3 milliards d’euros promis dans le passé à la Grèce et détenus par les banques centrales de la Zone euro.

Mais cette aide massive ne pourrait se concrétiser qu’au prix de réformes difficiles et impopulaires. Ce sont peu ou prou ces mesures qui ont été rejetées par les électeurs lors du référendum du 5 juillet.

Les Grecs avaient alors rejeté, par 61% des voix, des mesures d’austérité exigées par les créanciers, très semblables au dernier plan finalement voté dans la nuit de samedi par le Parlement grec.

De plus, Alexis Tsipras doit maintenant faire face au mécontentement de son aile dure, hostile aux créanciers, et prend le risque de décevoir son électorat.

En Grèce, soumise à des contrôles de capitaux depuis le 29 juin, l’économie tourne toujours au ralenti.

"Quand je vais au supermarché, il n’y a pas beaucoup de nourriture, il n’y a même plus de lait pour mon bébé dans les pharmacies", confiait Marilena Mouzaki, 35 ans, en promenant son bébé de 11 mois.

"Nous ne savons toujours pas ce qui va se passer. Peut-on s’attendre à du mieux, ou bien est-ce que ça sera l’Apocalypse ?", s’inquiétait Vassilis Papoutsoglou, 52 ans, faisant la queue pour retirer de l’argent à un distributeur.

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