L’Eglise envisage un pardon exceptionnel pour les croyantes ayant avorté

Selon le droit canon de l’Eglise catholique, l’avortement est une faute particulièrement grave punie d’excommunication automatique, à moins qu’il n’ait eu lieu sous la contrainte. Mais le pape argentin, qui le qualifie d' »horreur », a montré à plusieurs reprises qu’il était sensible au sort individuel des millions de femmes, dont de nombreuses catholiques, qui interrompent leur grossesse chaque année.

Alors que le Jubilé extraordinaire, prévu de décembre 2015 à novembre 2016, est une occasion pour les catholiques d’obtenir le pardon de leurs péchés, l’archevêque italien Rino Fisichella, coordinateur du Jubilé, a révélé ces derniers jours à l’agence italienne Ansa que l’avortement en ferait partie.

Pour cette "Année sainte", des milliers de prêtres seront envoyés comme "missionnaires" pour apporter la miséricorde aux gens dans les endroits les plus reculés et leur donner le sacrement de la "réconciliation", la pénitence exprimée dans la confession. "Parmi les possibilités de pardon accordées au missionnaires de la miséricorde, il y aura aussi l’avortement", a déclaré Mgr Fisichella.

Les évêques peuvent déjà autoriser certains ou tous les prêtres de leur diocèse à pardonner cette faute, à des moments particuliers des temps liturgiques comme l’Avent (avant Noël) ou le Carême (avant Pâques), ou des événements comme en ce moment dans le diocèse de Turin à l’occasion de l’ostension du Saint-Suaire, a rappelé le cardinal. Ce pardon pourra être accordé aux femmes ayant avorté, mais aussi aux médecins ou à toute personne qui les aura aidées. A condition évidemment d’exprimer un "vrai repentir".

Malentendus médiatiques

"L’avortement reste un péché, et le pape n’a pas décidé de l’abroger", a tout de suite rappelé Mgr Valasio De Paolis, un cardinal conservateur redoutant tout malentendu dans les médias. "Il est normal, à l’occasion d’un Jubilé, qui plus est sur la miséricorde, que l’Eglise (…) lève tous les obstacles pour permettre l’absolution d’un péché très grave comme l’avortement", a-t-il expliqué au journal La Nazione.

Dans le cadre de ce Jubilé, le pontife argentin entend multiplier les initiatives concrètes pour toucher le plus grand nombre. Ainsi, plutôt que d’obliger chacun à venir franchir à Rome les "portes saintes" des quatre grandes basilique pour obtenir le pardon de ses péchés, il a demandé que les fidèles puissent aussi plus simplement franchir une "porte sainte" dans leur cathédrale.

La question de l’avortement est délicate pour l’Eglise, souvent accusée d’insensibilité vis-à-vis des filles et des femmes violées, en particulier dans les périodes de conflit. Comme ses prédécesseurs, le pape François condamne clairement l’avortement. Mais il prononce rarement le mot et préfère dénoncer régulièrement la "culture du déchet".

En 2009, le Vatican avait soutenu l’archevêque de Recife, au Brésil, qui avait excommunié une mère et des médecins ayant fait avorter une fillette de neuf ans, violée par son beau-père, en estimant que le viol était "moins grave que l’avortement". Mais de nombreuses voix critiques s’étaient élevées, y compris dans les plus hautes sphères de l’Eglise.

François insiste lui-même sur la nécessité de trouver des solutions plus justes, et a récemment parlé à des évêques sud-africains des "profondes blessures morales et physiques" endurées par de nombreuses femmes. En septembre 2013, dans une interview à la revue jésuite Civilta Cattolica, le pontife argentin avait cité l’exemple d’une femme qu’il connaissait: "Elle avait subi l’échec de son mariage pendant lequel elle avait avorté: elle s’est ensuite remariée et elle vit à présent sereine avec cinq enfants. L’avortement lui pèse énormément et elle est sincèrement repentie. Elle aimerait aller plus loin dans la vie chrétienne. Que fait le confesseur?"

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