L’ « Appel de Dakar » du Roi Mohammed VI

Le discours royal prononcé en direct de la capitale sénégalaise à l’occasion du 41eme anniversaire est un événement en soi. Au terme d’un périple qui l’a conduit en Tanzanie et au Rwanda, Le Roi a achevé cette première étape par le Gabon et le Sénégal, pays dont le souverain a rappelé la solidité des relations historiques et la profondeur des liens spirituels.

Mais le discours royal innove par la singularité de la démarche : s’adresser à la Nation pour commémorer le pacte libérateur des provinces sahariennes à partir d’un pays "étranger" ! Sans doute, le lien d’allégeance qui unit le peuple sénégalais au souverain chérifien, à travers Imarat Al Mouminin rend cette démarche tout aussi légitime que pertinente.

Au delà de cette singularité, le discours du Roi à la Nation s’inscrit délibérément dans une démarche panafricaine qui prend appui sur la feuille de route programmatique dont l’horizon serait de réintégrer le Maroc au sein de la famille africaine, place laissée vacante depuis 1984.

Ce retour n’est pas une simple formalité diplomatique. Le souverain a réitéré dans son discours la volonté du Maroc de contribuer à sortir l’Afrique de sa double impasse :

1- celle qui trace une ligne " Maginot" : Entre l’Afrique francophone et celle anglophone. La visite royale au Rwanda et et en Tanzanie confirme la stratégie royale de compléter sa profondeur stratégique qui va au delà des pays africains de tradition musulmane ou francophone.

2- L’autre impasse est celle des déchirements interafricains qui secouent le continent et l’empêche de "grandir". Sans doute, les velléités hégémoniques de certains États (L’Algérie et l’Afrique du Sud notamment) qui tentent de monnayer leur contribution financière à l’organisation africaine en contrepartie d’une main mise sur le centre de décision, ajoutée aux menaces réelles qui pèsent sur le continent, l’extrémisme religieux en tête, doivent être âprement combattue.

Par ailleurs, la tenue de la COP 22 au Maroc sera l’occasion de donner au Souverain – comme il l’a affirmé dans son discours – la pleine mesure de porter la voix du continent noir au sujet des effets calamiteux du dérèglement climatique. Car l’une des conséquences du désastre écologique, dont la sécheresse n’est qu’un des aspects, se traduit par le mouvement massif d’immigration et ses conséquences. Là aussi, si le Maroc ne peut accueillir plus que ne supporte ses capacités, le souverain a indiqué que la contribution du Maroc à accueillir ces réfugiés s’inscrit dans une vision humaniste et tournée vers l’avenir. En régularisant plus de 25 000 réfugiés africains, le Royaume chérifien donne des gages de sa bonne volonté qui a tant manqué ailleurs !

Le point d’orgue du discoure royal culmine par la référence explicite aux dernières élections et les préparatifs pour constituer un nouveau gouvernement. Dans un langage franc et direct, le Roi adresse un avertissement à peine voilé aux leaders politiques, préoccupés qu’ils sont par des calculs arithmétiques, à ne pas oublier leur mission principale: servir le citoyen et non se servir du pouvoir et ses attributs. Mais là aussi, le souverain a imprimé à la prochaine législature son marqueur africain. Le prochain gouvernement doit intégrer la coopération avec l’Afrique parmi ses priorités.

Ainsi, "l’Appel de Dakar" qu’incarne le discours royal aura marqué du sceau de la singularité communicative et du pragmatisme géopolitique, une vision civilisée sur les enjeux à venir.

"Penser globalement agir localement": Telle est l’équation politique qui a inspiré le sens d’un discours, qui restera dans les annales de l’histoire du Maroc contemporain comme "un hymne" à l’Afrique en quête d’elle même et dont le retour prévisible du Maroc au sein de la famille africaine en est la marque et la trace.

* Abderrahim Hafidi est politologue, historien et islamologue

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