L’Algérie a perdu son homme lige

Le Maroc a tout à fait raison de considérer que la mort du chef du Polisario Mohamed Abdelaziz survenue après une longue maladie était un non-événement qui n’aura aucun impact sur l’évolution du dossier du Sahara. Et pour cause. L’homme, comme son organisation et sa fantomatique république, n’était qu’un homme lige de la sécurité militaire algérienne. Ce service qui continue d’être l’épine dorsale du pouvoir en Algérie, avait fait du soutien au séparatisme dans ses régions sahariennes son fond de commerce le plus juteux et sa raison d’être stratégique la plus ultime. Un faux nez disparaît, un autre repoussera avec la même logique et le même parrainage pour remplir les mêmes fonctions: maintenir la région sous la pression de la division, de la menace de la guerre.

Par Mustapha Tossa

De son vivant et durant sa longue carrière de mercenaire marocain qui a fait le choix d’offrir ses services à l’armée algérienne voisine, l’homme n’a jamais eu une attitude d’indépendance dans la décision ou une marge de manœuvre dans le comportement. Il ne s’est jamais écarté de l’agenda écrit à Alger. A aucun moment, il n’avait pris ses distances avec son employeur algérien poussant parfois le zèle et la caricature jusqu’à devancer les désirs de ses maîtres. Quand d’autres personnalités du Polisario, prises par un remord existentiel, ont préféré faire défection et rejoindre la patrie, lui Mohammed Abdelaziz est demeuré un fidèle exécutant d’une politique d’hostilité à l’encontre du royaume. Une politique méthodiquement exécutée au risque de plonger et de maintenir les camps des séquestrés marocains dans une infernale situation.

Durant de longues années, Mohamed Abdelaziz, qu’on dit submergé par un immense remord tardif sur son lit de mort d’avoir fait les mauvais choix et parié sur les mauvais chevaux, avait incarné cette notabilité polisarienne qui a profité de la situation désastreuse des réfugiés des camps pour parrainer des trafics juteux, détourner des aides humanitaires internationales et jouer volontairement l’instrument d’une politique de division et de tensions.

Il est vrai que sa disparition ne changera pas la physionomie du conflit et les rapports de force qui le régissent. Les portraits qui lui sont dédiés dans la presse font état d’une page qui se ferme et d’une nouvelle séquence qui s’ouvre avec de nombreuses interrogations. De l’aveu de nombreux observateurs le véritable changement proviendrait sans doute du tournant stratégique qu’Alger pourrait prendre sur le sujet si la guerre de succession pour trouver un remplaçant à Abdelaziz Bouteflika prenait une issue moins paisible et plus dramatique.

Même si le pouvoir algérien s’est livré à un folklore de la tristesse nationale avec un deuil de 8 jours pour dire adieu à un fidèle serviteur, personne n’est dupe de la propagande algérienne destinée plus à mobiliser le noyau dur du pouvoir militaire qui serait tenté par une sorte de "révolution culturelle" sur le sujet.

Même s’il a passé en toute conscience sa vie à servir les desseins de l’Algérie sur cette crise, Mohamed Abdelaziz avait raté occasion de rentrer dans l’Histoire par la grande porte s’il avait accepté la main tendue par le royaume de réaliser le rêve de l’autonomie et de la réconciliation nationale marocaine. Au lieu de cela, il est resté prisonnier des chimères et de logique de domination dictée par Alger. Si sa mort ne bouleversera pas dans l’immédiat l’issue de la crise au Sahara, elle impose à son successeur qui sera choisi par les militaires algériens, de nouveaux défis.

Le remplacent de Mohamed Abdelaziz, quelque soit son identité aura à gérer une situation nouvelle dans laquelle trois éléments sont déterminants. Le premier est la colère de plus en plus incontrôlable qui gronde dans les camps dont les réfugiés ne veulent plus continuer à supporter cette misérable vie qui les maintient hors du monde. Le second concerne les grandes percées diplomatiques du royaume du Maroc qui a réussi à convaincre que l’autonomie proposée est la seule sortie de crise. Et la troisième est le risque pour des raisons politiques et économique que la question du Polisario cesse de devenir une préoccupation centrale de l’armée et du futur pouvoir en Algérie. Autant d’éléments qui vont exercer une énorme pression sur le successeur d’Abdelaziz et le pousser à plus de réalisme là où son prédécesseur avait péché par une posture à la fois servile et chimérique.

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