Israël et l’Arabie, le grand flirt ?

Par Mustapha Tossa

La preuve qu’il se passe bien quelque chose dans la relation entre Israël et l’Arabie Saoudite est qu’il ne se passe pas un jour sans qu’un événement anodin pour certains, symbolique pour d’autres, vienne donner un relief particulier à cette relation. Il est vrai que par leurs penchants naturels à l’amplification, les réseaux sociaux peuvent créer une illusion d’optique sur un possible rapprochement ou une alliance en perspective, il n’en demeure pas moins que le faisceau de nombreux indicateurs finisse par créer une solide conviction : Riyad et Tel Aviv sont plus proche d’un flirt, d’un deal que d’une rupture ou d’une confrontation.

Tout avait réellement commencé le jour où des médias israéliens et internationaux ont relayé cette information inédite et invraisemblable pour certains, celle d’une supposée visite discrète du prince héritier Mohammed Ben Salam en Israël et sa rencontre avec le Premier ministre Israélien Benjamin Nethanyahou. Cette information démentie à plusieurs reprises par les autorités saoudiennes semblait avoir la vie dure.

Pour ses avocats, elle paraissait d’une logique compatible avec l’air du temps. D’abord compatible avec le tempérament innovant, casseur de codes classiques dont le prince héritier et futur détenteur de la couronne saoudienne, plus connu sous le dimunitif de MBS, avait fait preuve dans sa gestion des affaires domestiques et sa lutte acharnée contre la corruption. Elle était compatible aussi avec le grand et nouveau projet américain dans la région. Le président américain Donald Trump s’était récemment rendu en Israël en provenance d’Arabie Saoudite où il participait à un sommet avec les pays du Golfe. Au cours de ce déplacement, le président américain avait pronostiqué un grand rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite. Son conseiller pour les questions du Proche Orient, Jared Kushner y travaille d’arrache-pied comme en témoigne son tropisme assumé envers l’Arabie saoudite.

Et depuis de nombreux événements ont participé à installer cette conviction d’un rapprochement entre Israéliens et Saoudiens. Certains repris et amplifiés par les réseaux sociaux comme la visite de ce blogueur israélien Ben Tsion à la Mecque et la publication de ses photos posant avec des citoyens saoudiens à l’intérieur de la grande mosquée. D’autres relayés par les médias classiques comme la visite inédite d’une délégation de dignitaires saoudiens à la grande synagogue de Paris. Jusqu’à parvenir à cette interview tout aussi inédite que le chef de l’Etat-major de l’armée israélienne Gadi Eizenkot avait accordée au site d’information arabe Elaph, propriété du saoudien Othmane Leimeiyer, un baron des médias arabes proche du prince héritier Mohammed Ben Salamane. Dans cette interview événement, le chef militaire israélien fait le même diagnostic que les autorités saoudiennes sur la dangerosité de l’Iran sur la région et annonce qu’Israël pour contenir « la plus réelle et grande menace dans le région », était « prêt à échanger des informations avec les pays arabes modérés (…) y compris l’Arabie saoudite avec qui nous partageons de nombreux intérêts ».

Signe que Saoudiens et Israéliens convergent dans leurs analyses sur les rapports de force et les dangers qui pèsent sur la région, dans l’entretien que MBS a accordé à l’éditorialiste vedette de l’influent « New York Times », Thomas Friedman, le prince héritier saoudien compare l’Iran à Hitler et affirme que l’Arabie saoudite ne veut pas voir réitérer au Moyen Orient la tragédie qui avait marqué l’Europe. Cette perception aiguë du danger iranien est, de l’avis de nombreux observateurs, le ciment susceptible de sceller cette possible alliance et lui donner une cohérence d’intérêts.

C’est à travers la crise libanaise que cet apparent rapprochement entre Saoudiens et Israéliens avait éclaté au grand jour. Dans sa stratégie de mettre en difficultés le leadership saoudien, accusé d’avoir pris en otage le premier ministre libanais Saad Hariri, le numéro Un du Hezbollah Hassan Nassrallah avait affirmé que l’Arabie saoudite avait demandé aux Israéliens d’attaquer le Hezbollah contre un gros chèque qui ouvrirait la voie à une totale normalisation des relations entre les deux pays.

L’Arabie saoudite n’est pas à sa première ouverture sur les autorités israéliennes. Dans les annales des tentations de règlement du conflit israélo-palestinien, sa diplomatie est connue pour avoir proposé une initiative saoudienne pour la paix au Proche-Orient, régulièrement citée comme parmi les plus osées dans les efforts de normalisation de relations entre Israël et les pays arabes. Cette initiative demande à Israël de garantir leurs droits aux Palestiniens sur la base des frontières de 67 et de Jérusalem capitale des deux Etats. En échange, l’ensemble des pays arabes normaliseront leurs relations avec Israël. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, Mohammed Ben Salmane ne s’est pas encore prononcé sur la permanente validité de cette offre politique et diplomatique.

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